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lundi 20 mai 2024
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Dossier/ Emergence du cancer en Côte d’Ivoire et en Afrique: la facture du ‘tueur silencieux’ coûte chère aux pauvres

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Le cancer ; ou ‘le tueur silencieux’ continue de faire mal en Afrique. En Côte d’Ivoire, la pandémie continue d’émerger et les chiffres achèvent de convaincre qu’il faut engager la lutte à travers la sensibilisation et le dépistage précoce…Dossier

« En 2015, 8,8 millions de personnes sont mortes du cancer. Aussi, environ 70 % des décès dus au cancer se produisent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Le cancer représente une charge considérable pour l’économie mondiale. Car son coût annuel pour l’économie est estimé à environ 2000 milliards de dollars soit environ 55488,47milliards de Fcfa Fcfa. A l’échelle mondiale, on estime à 14 % seulement la part des personnes ayant besoin des soins palliatifs et qui peuvent actuellement en bénéficier » Ces chiffres et indicateurs sont de Jaafar Heikel, professeur de médecine préventive responsable central et régional au ministère marocain de la santé. Il a donné ses informations lors de la troisième édition de la Conférence Africa2025 ayant pour thème : « Santé en Afrique: stratégies de prévention et réduction des risques » Qui a eu lieu le 04 octobre 2017 à Casablanca au Maroc, à l’Hôtel Sofitel Cansablanca Tour Blanche. Ces données chiffrées indiquées plus haut et qui donnent froid dans le dos traduisent l’ampleur des dégâts causés dans d’une manière général le cancer dans le monde. Environ un an après la tenue de cette conférence, quelle est la réalité sur le terrain ? Le cancer, cette maladie appelée dans certaines communautés africains « maladie des riches », continue tuer et d’émerger sur le continent africain dont fait partie la Côte d’Ivoire. Mais quel est l’état des lieux dans ce pays ? Un point fait par le professeur Moctar, cancérologue au Centre hospitalier et universitaire (Chu), de Treichville indiquent aussi qu’il y a lieu de se lever pour engager davantage le combat contre ce ‘tueur silencieux’ en Côte d’Ivoire. « Chaque année en Côte d’Ivoire, 20.000 à 22.000 nouveaux cas de cancer sont dépistés les dernières études sur cette maladie dans le pays. » Information donnée à la presse à l’occasion de la cérémonie de lancementla deuxième édition des Journées de mobilisation des médias contre le cancer du sein ( Jmmc) prévue les 19 et 20 octobre 2018 dans la ville de Grand-Bassam. Les Jmmc 2018, initiées par l’Ong « Échos Médias» regroupant des hommes et femmes des médias, ont pour un objectif précis : Mobiliser les professionnels des médias nationaux et internationaux à contribuer à la sensibilisation des populations dans la lutte contre le cancer du sein, une ‘maladie chronique’ qui est aujourd’hui, un problème de santé publique voir une priorité nationale. « Cette lutte contre le cancer du sein est un devoir. Une action noble et existentielle», ajoute Mme Leah Guigui. Les Jmmc 2018 se tiendront autour du thème «santé et sports ». ( voir encadré 1)

 

Les révélations et explication d’experts

Les explications du Professeur David Khayat cancérologue de son état et ancien chef du Service d’Oncologie Médicale de l ’ Hôpital de la Pitié Salpêtrière de Paris sont claires : « Le cancer est lié à la prolifération anarchique et incontrôlée des cellules résultant de leur altération génomique pendant qu’ en 2000, il a été détecté plus de 10 millions de nouveaux cas dont 6 millions de décès. En 2012 nous étions à 14 millions de nouveaux cas pour 8 millions de décès » Mais que disent les prévisions ? « En 2020, il est prévu 20 millions de nouveaux cas pour 10 millions de décès. En termes de pourcentage, 75% de ces décès surviendront dans des pays qui représentent moins de 5% du Produit intérieur brut ( Pib mondial) Par ailleurs, le cancer tue plus que la tuberculose, le Sida et la Malaria » , mentionne-t-il.

La montée en puissance des Maladies non transmissibles(Mnt) en Afrique

En Afrique, particulièrement en Afrique du nord, les chiffres sont alarmants. Le Professeur David Khayat souligne de façon triviale : « La part des décès attribuables aux Maladies non transmissibles, en 2014 dans cette partie du continent africain est supérieure à 50%. Sont mise en cause, la malbouffe avec une augmentation de la consommation de viande, produits sucrés, salés et des sodas d’une part, la sédentarité la consommation accrue d’alcool et du tabagisme d’autre part. Sans oublier l’exposition aux produits chimiques et la pollution » Mais prévient-il, « une attention encore insuffisante est portée aux Mnt dans les pays à faibles revenus ou revenus intermédiaires (ex : Sénégal, Kenya, Cameroun, Côte d’Ivoire), où l’attention est encore davantage portée aux maladies transmissibles. Dans le monde les données de l’Organisation mondiale de la santé( Oms), 70% des décès ont pour principales cause les Mnt qui sont aujourd’hui la principale cause de mortalité dans la majorité des régions du monde. En 2012, 38 millions décès étaient liés aux Mnt dont 82% vivaient dans les pays à revenu faible ou intermédiaire » (voir interview encadré2) Mais quelle est la part du tabagisme dans l’expansion du cancer en Afrique ? Pour le Pr Mor Ndiaye de la Polyclinique Ihs (Eps 1), Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), la situation est critique. Car, « il y a plus d’un milliard de fumeurs dans le monde. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire vivent plus de de 80% des fumeurs dont 49% d’hommes contre 8% de femmes » Se prononçant sur les conséquences du tabagisme, cette éminence grise précise qu’elles sont de trois ordres : environnemental, socio-économique et sanitaire. « Les conséquences sanitaires liées aux maladies des poumons sont à la base de 1,59 millions de décès contre 745 mille des maladies du foie. Celles de l’estomac pour 723 000 de décès. Pendant que le cancer Colorectal sont la cause 694 000 de décès celui du sein et de l’œsophage entrainent respectivement, 571 000 décès et 400 000 décès » précise le Pr Mor Ndiaye

Le tableau peu reluisant appelle des actions fortes…

Aussi, le Pr David Khayiat fait un grand témoignage quand il ajoute : « Tout ce que j’ai vu, observé pendant des années de lutte contre le cancer m’a amené au constat que quelque chose pouvait être fait le plus possible en amont : la prévention. Je me suis à ce titre engagé pour que le cancer devienne une priorité nationale au travers du premier Plan Cancer français, et n’ai depuis cessé d’agir au niveau national et international dans la prévention et la lutte contre le cancer. L’explosion épidémique des maladies non transmissibles telle que l’obésité, les Maladie cardio vasculaire (Mcv), cancers, diabète de type 2 et maladies respiratoires…) concernent la planète entière y compris les pays en voie de développement » Il n’a pas oublié de dénoncer certains facteurs aggravants du « tueur silencieux »qu’est le cancer. Citons : le cumul de facteurs défavorables au dépistage et le diagnostic souvent tardif font que la maladie est souvent très avancée au moment du diagnostic. Aussi, mentionnent t-il, « le coût des traitements limite leur mise en œuvre. Il convient de mentionner que l’accès au dépistage est compliqué du fait de la mauvaise qualité des transports et infrastructures routières et des distances. Ajouté à cela les freins culturels notamment pour l’examen des femmes et la méconnaissance des symptômes précoces des cancers et la gêne à aller consulter sont autant d’obstacles à lever dans un continent où l’on note un insuffisance des structures pour la prise en charge des malades »

Synergies d’actions pour sauver des millions de malades

Le Maroc, un pays partenaire de la Côte d’Ivoire dans la lutte contre le cancer, est très en avance sur bien de pays en Afrique. Faut-il préciser dispose de l’un des services ultra- équipé dans la lutte contre le traitement des cancers du sang. Il s’agit du service d’hématologie et d’oncologie adulte pour le traitement des cancers du sang de l’hôpital ‘20 Août’ situé au Centre hospitalier Universitaire (Chu) Ibn Rochd de Casablanca. C’est le premier du genre dans le Royaume chérifien. Il a été inauguré en janvier 2014, par Sar la Princesse Lalla Salma, présidente de la Fondation Lalla Salma-Prévention et traitement des cancers. Ce service qui a été réalisé, dans le cadre de la mise en œuvre du plan national de prévention et du contrôle du cancer entre le ministère et cette Fondation, est construit sur 860 mètres carrés avec une enveloppe budgétaire de 10 millions de dirhams soit plus de 591,86 millions de Fcfa financée par ladite fondation. La Côte d’Ivoire dont le gouvernement a pris la pleine mesure de la menace, l’heure est aux actes concrets. Désormais le traitement du cancer du sein est gratuit en Côte d’Ivoire. Parole du Vice-président Daniel Kablan Duncan. C’était le 09 octobre 2017 à Abidjan, lors de la signature des avenants de protocoles «Roche Access Cancer du Sein», «Roche hépatites virales» et au nouveau protocole «Access Oncologie» avec le Groupe Hoffmann-La Roche. Qui vise à améliorer la prise en charge du cancer du sein et la prévention du cancer du foie. En effet, malgré la baisse importante déjà consentie dans cette optique par la Côte d’Ivoire, la part de 10% à prendre en charge reste encore trop élevée pour les patients en ce qui concerne le traitement du cancer du sein. Ainsi, ajoute M. Duncan, « l’Etat a décidé d’améliorer l’accessibilité des populations aux thérapies innovantes, en prenant en charge les 10% qui étaient à la charge des patients. Cela porte la contribution de l’Etat de 30 à 40%, pour le cancer du sein et de 25 à 35% pour les hépatites virales ». Autrement dit, l’Etat va désormais assurer «la gratuité totale» pour les traitements par Herceptin, Avastin, Mabthera et Pegasys utilisés dans la lutte contre les cancers les plus fréquents en Côte d’Ivoire. En outre, la Côte d'Ivoire dispose depuis décembre 2018, d'un centre de traitement du cancer de haut niveau. Il a été inauguré le 18 décembre 2017, par les hautes autorités ivoiriennes. D’un coût global de plus de 13 milliards de F Cfca, ce centre est unique dans la sous-région et permet de traiter sans hospitalisation. Il est doté d'une capacité d'accueil de 160 à 200 patients par jour. Ce centre permettra aux populations de la Côte d'Ivoire et de la sous-région ouest-africaine d'accéder aux thérapies de haut niveau et aux technologies développées pour le traitement et la prise en charge des patients atteints de cancer. Quoiqu'entièrement construit sur fonds propres ivoiriens, la mise sur pied du centre a été réalisée grâce à un partenariat ivoiro-marocain. Partenaire technique au projet, la société Agentis à capitaux marocains y a beaucoup contribué.

 

Bamba Mafoumgbé, Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

Légende photo : L’Oms annonce plus 20 millions de nouveaux cas d’ici 2020 ( voir photo dans mails sekou, yacou et eric pkassou)


Encadré 1 :

1223 femmes meurent du cancer du sein par an en Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, 1223 femmes meurent du cancer du sein chaque année sur les 2248 cas diagnostiqués. Les raisons évoquées par les uns et les autres sont diverses. « De 2000 à 2014, l’incidence du cancer du sein a augmenté en Côte d’Ivoire. Malheureusement en Côte d’Ivoire, 60 à 70% des cancers sont découverts à des stades tardifs alors qu’on peut les diagnostiquer plus tôt », regrette le Pr Moctar Touré, soulignant la nécessité d’une mobilisation collective des hommes de médias, des acteurs de la santé et des autorités pour sensibiliser les populations sur le cancer du sein qui est le premier cancer de la femme dans le monde. « Une femme sur huit fait le cancer du sein au cours de sa vie», fait-il savoir, énumérant les facteurs de risque de cette maladie. Au nombre de ces facteurs de risque, il a cité, entre autres, la puberté précoce, c’est-à-dire avant l’âge de neuf ans, la ménopause tardive et la première grossesse à terme après 35 ans. « En Côte d’Ivoire, le potentiel humain existe pour traiter le cancer du sein», a soutenu Pr Moctar Touré, conseillant avec insistance le dépistage précoce qui est selon lui, « un gage de guérison » Pour Mme Léah Muriel Guigui, la commissaire générale des Jmmc 2018, en présentant les grandes articulations de cet événement, plaide auprès des hommes et femmes des médias pour leur implication dans la lutte contre le cancer du sein. Avec pour objectif précise-t-elle, de « Mobiliser les professionnels des médias pour sensibiliser contre le cancer du sein des activités sportives, une sensibilisation grand public avec des séances de dépistage où sont attendues plus de 3000 femmes »

B. M

Légende photo : Les hommes et femmes des média s’engagent dans la sensibilisation ( photo dans yacou, sekou et mail Kpassou)

 

 

 

Encadré 2 : Pr David Khayat( Président fondateur de l’institut national du cancer- France)/ Lutte contre le cancer en Afrique…

 

Pr David Khayat : « Il y a 27 pays en Afrique qui n’ont aucun centre de cancérologie, aucun cancérologue (…) »

«Envoyer les malades à l’étranger n’est pas une solution(…) »

 

Peut-on dire que le cancer est une maladie incurable ?

Absolument pas. En France aujourd’hui plus de 60% des cas de cancers guérissent définitivement. 85% du cancer de l’enfant aussi. Sa curabilité dépend de beaucoup de facteurs notamment de la précocité du diagnostic et de la participation au dépistage. Toutes choses qui sont difficiles dans les pays d’Afrique.

Quelle est la situation du cancer aujourd’hui en Afrique ?

Elle est très préoccupante. Les nouveaux cas ne cessent d’augmenter. L’Oms estime qu’en 2020, dans le monde, il aura vingt millions de nouveaux cas et 10millions de morts. Sur ces dix millions 75% vont survenir dans des pays qui à eux tous aujourd’hui, ne font pas 5% de la richesse mondiale. Or beaucoup de ces pays sont africains qui vont se chiffrer bientôt en milliard d’habitants et au vieillissement de la population. Il y a aussi ce que j’appelle la « westernisation »des comportements avec beaucoup de tabac, plus d’alimentation grasse salée, sucré et plus de sédentarité. Sans oublier les maladies infectieuses qui la cause de 25% des cas de cancers. S’agissant des cas liés aux maladies infectieuses, on peut agir par les vaccins qui sont un très bon moyen et par la lutte contre le tabagisme

Pourquoi les statistiques sont plus effroyables dans les pays en voie de développement ?

Les statistiques sont effroyables et nous n’avons pas de vrais chiffres. Ils sont totalement sous-estimés. Sur les chiffres que nous avons, nous voyons que très peu de cancers guérissent en Afrique. Etant donné que les diagnostics sont très tardifs. Il n’y a pas de dépistage. Il y a 27 pays en Afrique qui n’ont aucun centre de cancérologie, aucun cancérologue et de radiothérapie. La Côte d’Ivoire dispose d’un centre de radiothérapie.

 

Vous avez présenté toute à l’heure une cartographie présentant la situation de certains africains. Quelle est la situation de la Côte d’Ivoire ?

L’Afrique n’ a pas encore pris conscience de l’épidémie de Cancer qui l’attend dans les années qui viennent. Les pays africains n’ont pas formé assez de cancérologues, ils n’ont pas assez développé de structures de prise en charge du Cancer, de radiothérapie et d’oncologie médicale. Clairement, cela va poser un problème d’inadéquation des moyens mis en œuvre et les défis lié à cette maladie dans l’avenir. Surtout sur le continent africain, c’est un problème important. Le Cancer étant un problème politique, il faut que les politiques le prenne à bras le corps. Qu’ils s’engagent volontairement dans la lutte contre cette maladie auprès des spécialistes et fassent des formations. Pour que demain, il y ait assez de moyen pour traiter les cas de cancer.

Ça devrait coûter cher tout de même les évacuations des malades du cancer vers l’Europe voire vers un pays africain comme le Maroc ?

Il faut que les malades du Cancer soient pris en charge dans leurs pays. Cela nécessite le développement des structures dans ces pays-là. Le fait d’envoyer les malades à l’étranger n’est pas une solution. Une solution provisoire certes mais la solution durable c’est la formation et la création de structures spécialisées dans le pays du malade.

C’est dû à quoi le Cancer ?

30% des cancers sont dus au tabac. D’où la nécessité de stratégie de réduction des risques. Car je ne crois pas qu’il y aura un monde sans tabac. Il y aura les mafias et les trafics. Donc on n’empêchera pas de fumer. Mais il faut fumer des cigarettes moins dangereuses notamment la cigarette électronique. 30% des cas dus aux hormones. Sur ces là, on ne peut pas faire grande chose. Nous avons l’alimentation dont la qualité se détériore et dont la quantité augmente. Il faut revenir à des alimentations plus traditionnelles. Moins riche, moins grasse, moins salé, moins calorique(…) Une alimentation doit- être équilibrée. Il faut plus d’activités physiques.

Parlez- nous un peu de votre plan anti-cancer qui a fait des émules à travers le monde ?

J’ai aidé beaucoup de pays à mettre en place leurs plans nationaux. L’intérêt d’un plan national, c’est la coordination, l’évaluation, les financements intégrés. C’est-à-dire qu’ au lieu d’avoir des gens qui font la prévention, la recherche et le dépistage, tout le monde travaille ensemble. Afin que de la prévention jusqu’ aux soins palliatifs, la lutte contre le cancer soient efficace.

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