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lundi 20 mai 2024
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Dr Imane Kendili, (Psychiatre et addictologue)/Tabagisme et phénomène de la Chicha …: « Elle peut être facteur de contamination à la tuberculose »

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Dr  Imane Kendili,psychiatre, addictologue  et responsable du service psychiatrie et  addictologie  à l’Hôpital Cheick Kalifa Ibn Zaid  de Casablanca :  «(…)Il faut pouvoir donner une alternative au fumeur » Dr Imane Kendili,psychiatre, addictologue et responsable du service psychiatrie et addictologie à l’Hôpital Cheick Kalifa Ibn Zaid de Casablanca : «(…)Il faut pouvoir donner une alternative au fumeur »

La consommation du tabac par les jeunes continue de prendre de l’ampleur dans certaines grandes villes africaines et avec, le phénomène de la Chicha. Le Docteur Imane Kendili, psychiatre et addictologue que nous avons rencontré, il y a quelques mois à Casablanca au Maroc, lors d’un séminaire international, nous en parle…

 

Vous êtes arabe pour ne pas dire Marocaine. Au moment où on se bat pour réduire la consommation du tabac, sa consommation devient une façon de s’émanciper chez une certaine catégorie de femme. Pourquoi ?

 

On vit à travers l’image. Nous avons les mythes de la superwoman. Quand on a voulu lancer les cigarettes Fines aux Etats unis d’Amérique(Usa), on a demandé M. Monroe de fumer la Fine rose. Nous gardons l’image de cette femme blonde et belle avec sa cigarette. C’est assez particulier, nous sommes dans des sociétés qui sont en transition mais qui n’ont pas fait toutes les étapes de la transition. Nous passons d’une société vraiment traditionnelle ou à consonance patriarcale vers la femme qui s’individualise et qui s’émancipe. Les media ont une importance dans ce jeu. Quand on montre une femme traditionnelle sous ‘l’oppression de l’Homme’, à la maison et sous les ordres de son marie en habit traditionnel qui ne fume pas et qui ne sort pas seule et intellectuellement est défavorisée. Nous sommes encore dans cette dichotomie. Ce qui n’est pas le cas dans les pays développés. Quand on va vous montrer une femme émancipée, on va vous la montré sur talons aiguilles, en pantalon et en jupe courte et cigarette à la main. Elle n’aura que dire des dires du regard de l’Homme dans une certaine mesure. Il ne faut pas l’oublier que ce soit en Afrique tout comme dans le Maghreb, la Femme garde le pied dans la tradition tout en étant émancipée.(…)Le conditionnement , l’habitude culturelle et sociale sont toujours là.

 

Il nous revient que la Chicha qui est en vogue dans certains milieux en Côte d’Ivoire, n’est pas du Maghreb. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

La Chicha n’est pas du Maghreb. Elle a actuellement investi cette partie du monde. Elle a une connotation négative. ( …) Le tabac est tabou au Magrehb contrairement aux pays orientaux comme la Jordanie, le Liban , l’Egypte, on a une Chicha culturelle(…) Les femmes se retrouvent entre elles pour fumer la chicha , elles ne sortent pas avec. Même dans un village , une femme ou enfant qui fume va cacher sa cigarette. C’est différent dans les grandes villes ( Voir encadré) Nous constatons une explosion depuis quelques années, en la matière ; la femme qui fume est dans un rituel de passage de bien démontrer qu’elle fait partie d’une société moderne. Les femmes se retrouvent entre elles à la maison en fumant la Chicha. Cette culture- là n’existe pas au Maroc.

 

La Chicha selon des informations, peut-être un facteur de contamination et de propagation de la tuberculose. Avez-vous des chiffres ?

 

Nos amis pneumologues pourraient vous en dire davantage. Consommer plus proprement possible la Chicha serrait de la transporter partout sur soi. Ce qui n’est pas le cas. Elle passe de l’un à l’autre et on ne va pas demander dans les cafés ou ailleurs qu’elle soit nettoyée. C’est une pipe à eau et par conséquent elle passe de bouche à bouche, c’est donc un nid de cultures pour certaines bactéries et autres parasites. Elle peut-être vecteur de muqueuse pulmonaire et autres facteurs de contamination à la tuberculose.

 

Les cigarettes électroniques qui pourraient aider à lutter contre la nuisance du tabagisme, coûtent chères…

 

Que ce soit au Maroc ou ailleurs, la cigarette électronique existe. Nous en avons d’autres qui sont meilleures que d’autres. La cigarette électronique au début était très chère. Il fallait compter dans les 1000 dirhams (soit plus de 59306 Fcfa) voire 1200 ( soit 70800Fcfa) Mais aujourd’hui les prix ont beaucoup baissé, on peut en trouver autour de 300 dirhams( soit 17791 Fcfa) Il est bon de préciser que toutes les cigarettes électroniques ne se valent pas. Il y en a de meilleure fabrication que d’autres avec des produits moins nocifs que d’autres. Le commun avec les cigarettes électroniques ou les produits de vapotage, c’est que les produits sont moins nocifs pour la santé. Mieux, la nocivité est réduite de l’ordre de 80 à 95%. Mais le pouvoir addictogène de la cigarette électronique est mitigé. Il est bon de savoir que vous pouvez doser ici les taux de nicotine qui s’y trouve. On voit plus de fumeurs de cigarettes électroniques et de cigarettes normales(…)

 

Dans beaucoup de pays , les gouvernements ont pris des mesures visant à interdire la consommation du tabac, dans les espaces publics. Mais la mayonnaise tarde à prendre, pourquoi ?

 

Quand c’est appliqué dans des grandes villes comme Rabat ou Casablanca, dans les restaurants, il n’y a pas de fumeurs passifs. Vous allez à l’extérieur où ils vont vapoter. C’est pour cela que la cigarette électronique prend toute son ampleur( …) Après, nous avons les hôpitaux sans tabac. Là, cette politique a bien marché mais cela n’empêche pas les médecins de fumer. Ces différentes mesures d’interdiction ont un certain impact mais la troisième voie est indispensable dans la mesures où un cardiologue qui va conseiller de ne pas fumer est peut-être très stressé et qu’il a touché à la cigarette à l’âge de 15 ou 16 ans .Peut-être que lui-même, va diminuer sa consommation de tabac , mais va continuer à fumer un certain nombre de cigarettes. Nous sommes tous égaux devant les addictions. On a parlé certes de tabac mais quand on arrête de fumer on prend plus de sucre. C’est la même récompense au niveau cérébral et biologique. La lutte contre le tabagisme constitue une préoccupation majeure aussi bien en Afrique qu’au Moyen Orient.

 

En introduction toute à l’heure, on vous a présenté comme addictologue. C’est quoi l’addictologie ?

 

L'addictologie est la science qui étudie les phénomènes de dépendance envers un produit ou un comportement. Elle porte sur les addictions physiologiques, comme l'alcoolisme, la toxicomanie ou le tabagisme, ou psychologiques, comme les troubles du comportement alimentaire ou la dépendance aux jeux. C’est en 1998 qu’elle a été reconnue comme une maladie quand l’Organisation mondiale de la Santé ( Oms) a sorti un texte sur la question. En ce moment-là, on a déculpabilisé l’addicte au sens large du terme. Tout comme le consommateur d’ailleurs pour parler de drogue dure, drogue douce etc. Ce après les drogues légales s’agissant des cigarettes et l’alcool.

 

Qu’est-ce qui fait qu’on devient accroc au tabac ?

 

Il est bon de préciser que la nicotine est la substance addictogène du tabac. Le tabac n’est pas fait que de la nicotine. Ce qui fait qu’on devient accroc au tabac, c’est la nicotine. Qui arrive en tête des produits les plus addictogènes, avant la cocaïne et l’alcool. C’est véritablement c’est depuis les années 1999- 2000 au Maroc qu’on parle de réduction de risques dans le Moyen Orient. Plusieurs pays ont démarré mais plusieurs pays ont mis en place les prévisions de risques en matière de consommation d’héroïne. Nous faisons la similitude parce que les produits de substitution, la méthadone n’existent que pour l’héroïne mais pas de substitution pour le tabac. C’est pour cela que l’amalgame a été beaucoup fait toute à l’heure Mais l’héroïne est moins addictogène que la nicotine. Seulement que la nicotine est sociale. La nicotine est légale alors que seule une minorité va consommer l’héroïne. Par contre la nicotine, vous l’avez partout. Que ça soit en Afrique notamment en Afrique nord ou en Afrique de l’ouest, le tabac fait rage. Nous ne sommes pas encore dans un contexte où on va dire même si on a procédé à une ratification de politique de lutte contre le tabac, c’est plus difficile de lutter contre un ordre établi. Il faut une transition.

 

Une transition pour passer à quoi ?

 

Il faut adapter les mentalités. Il faut une transition pas pour passer d’un point A à un point B. il faut pouvoir faire le choix entre ces deux positions, donner une alternative. Quand vous êtes comme ça binaire en disant que fumer tue, qu’est-ce qu’on fait des fumeurs ? Vous les culpabiliser plus ! Ils sont nocifs pour eux- mêmes, pour la société. Sans oublier pour leur famille et leurs enfants. Ils donnent de mauvaises stratégies, demain leurs enfants vont faire comme eux. On est dans la culpabilité du consommateur qui lui-même en fin de compte est « malade » puisqu’il est dépendant d’une substance. Les avis sont partagés à ce niveau d’autres sont contre la consommation pendant que d’autre sont pour la réduction de la nocivité du tabac, à travers l’usage de la cigarette électronique.

 

Mais après qu’est qu’est-ce qu’ont fait ?

 

Le meilleur, c’est de ne pas fumer. Mais quand le fumeur dépend de ça, qu’est-ce que vous faites ? Nos amis organisés le font. Vous avez un problème d’Emphysème vous allez avoir un problème cardiaque, vous avez un cancer, donc arrêter de fumer. Quand on est dépendant de cette substance, c’est difficile de s’en défaire. Quand on demande comme ça d’arrêter de manière violente, il y un grand risque qu’il ne revienne pas.(…)ou qu’il prenne son traitement et qu’il continue de fumer. Il faut pouvoir lui donner une alternative. Cette alternative est imposée par la communauté des personnes qui fument. On peut avoir des hôpitaux sans tabac et des espaces publics sans tabac. Mais ce n’est pas ce qui va empêcher les gens de fumer. Ce n’est pas ce qui va empêcher la population de fumeurs qui ont des problèmes de santé d’arrêter de fumer. On peut avoir des hôpitaux sans tabac. Mais ce n’est pas ce qui va empêcher les gens de fumer. Il y a un pourcentage qui arrête de fumer quand on le leur demande. Mais qu’est-ce qu’on fait du reste ?

 

Quelle pourrait être selon vous donc la solution ?

 

La solution, c’est la troisième voie ; la réduction des risques. Elle a porté ses fruits pour des choses beaucoup plus nocives et graves. L’Onu beaucoup travaillé sur les héroïnomanes qui s’injectaient et qui vivaient dans les ghettos dans différents pays et qui ne savaient pas comment s’injecter. Car, ils s’injectaient dans le sens contraire de la veine avec toutes les conséquences qu’on sait. Comme c’étaient des marginaux et qu’on refusait de leur vendre des seringues, ils s’échangeaient les seringues, ça été la porte ouverte dans ces communautés au Vih et l’hépatite C. C’était choquant de dire qu’il faut aménager pour eux des espaces. Dans des pays comme le Liban et le Maroc on a distribué des kits d’injections. Au départ, ils étaient mal vue mais par la suite, quand on constaté une baisse énorme du nombre de personnes nouvellement atteintes du Vih ou de l’hépatite c, parce que la seringue ne tournait de la même manière, la communauté a compris que la réduction portait ces fruits.

 

Avez-vous des chiffres ?

 

Sur trois ans, le taux de nouvelles infections à l’hépatite C et était de 60%. C’était énorme. Une fois qu’ils ont eu les kits d’injection et qu’on a fait confiance, à la communauté, l’on a assisté à l’ouverture des centres de substitution notamment à Tanger. Le tabac existe depuis la nuit des temps(…) .On l’a chiqué et mâché. Ce n’est pas aujourd’hui que tout cela va disparaitre.

 

Interview réalisée à Casablanca par BambaMafoumgbé, Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.,

 

 

photo d’experts en santé lors d’un séminaire sur la prévention des risques réduction des risques de santé en Afrique. C’était en Octobre 2017 à Casablanca au Marocci

 

Encadré : Le consommateur de Chicha inhale 25 fois plus de goudron qu'une cigarette…

 

Le temps des vacances scolaires est un moment propice pour certains jeunes de s’adonner à plusieurs vices. Citons la drogue, l’alcool et le tabagisme. En ce qui concerne ce dernier, précisons qu’une autre forme de consommation est apparue depuis quelques années dans certains clubs privés en Côte d’Ivoire : Il s’agit de la consommation ou de l’usage de la Chicha , cette pipe à eau originaire de l’orient servant à fumer du tabac est devenue un effet de mode. Dans certains glaciers, bar, maquis, la nouvelle donne marketing, c’est l’introduction de la consommation du chicha en plus de celles de l’alcool et autres boissons. Pour fumer c’est 2500Fcfa seulement, vous êtes servis ! Dans un espace en plein air près du Glacier les Oscars , un coin dédié draine du monde dès 18heures. Cet endroit est réputé être le sanctuaire des fumeurs de la Chica. A. K , un jeune débrouillard qui fait de bonnes affaires dans ce phénomène, dispose de plus d’une vingtaine de Chicha. Koné B. A peine âgé de 18 ans et qui parait très initié à la chose, nous explique que : « Les fumeurs inhalent la fumée composée d’un mélange de 30% de tabac fermenté et 70% de mélasse. Son parfum est unique, et ça a un effet qu’on ne peut trouver ailleurs » et d’ajouter que : « Ce qui me fascine avec la chicha quand tu fumes, tu ne sens pas le tabac comme c’est le cas avec la cigarette. Si tu choisis un goût fraise lorsque tu iras à la maison tout le monde sentira cette odeur, personne ne s’apercevra que tu as fumé » Malgré tout, la consommation de la Chicha n’est pas sans conséquence sur la santé de l’accro à la Chicha. Selon une étude publiée par revue Public Health Reports le consommateur de Chicha inhale 25 fois plus de goudron qu'une cigarette et 125 fois plus de fumée. Ce sont là deux différentes manières de consommer du tabac. Les utilisateurs du chicha utilisent des pipes à eau publiques, et ils ne peuvent pas demander de les nettoyer, par conséquent, elles passent de bouche en bouche. Exposant du coup les consommateurs aux nids de cultures de bactéries et autres parasites telles que les muqueuses pulmonaires et la tuberculose. Les résultats du baccalauréat 2018, c’est dans quelques heures, pour célébrer votre succès, chers admis éviter de vous intoxique à la Chicha

 

B. Mafoumgbé

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