Prix garanti bord champ (campagne 2023-2024): Cacao 1000 Fcfa/Kg;  Café  900 Fcfa/Kg

vendredi 17 mai 2024
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Interview Maurice Sawadogo( Exploitant agricole)/Fuite des produits agricoles «Il y a des gens qui ne vivent que de ça(…) »

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(Plantation de cacaoyers)  Malgré leur grand nombre, les planteurs  de café et de cacao   n’arrivent toujours pas à mettre en place,  l’interprofession (Plantation de cacaoyers) Malgré leur grand nombre, les planteurs de café et de cacao n’arrivent toujours pas à mettre en place, l’interprofession

Face à une tension perceptible autour de l’exportation du café ivoirien, des exploitants agricoles ont décidé de donner de la voix. De faire des propositions en vue d’une véritable redynamisation de la filière café-cacao et d’une professionnalisation des producteurs ivoiriens. Dans cette interview, Maurice Sawadogo, exploitant agricole dans la région d’Abengourou donne sa recette.

Bonjour M. Maurice Sawadogo, vous êtes exploitant agricole à Abengourou, quel commentaire faites- vous, plus de deux semaines après la déclaration de Daloa sur la crise dans la commercialisation du Café ?

Je pense qu’à ce niveau, il faut faire une nuance. A Daloa, nous y sommes allés dans le cadre d’une sensibilisation. Nous n’étions pas allés pour faire une déclaration. Des syndicalistes avaient appelé à la grève. Comme nous ne voulions pas que notre maison commune brule, nous sommes allés à la limite des zones de production qu’est par excellence Daloa, pour appeler les producteurs au calme et la sérénité. La Côte d’Ivoire étant un pays de dialogue, tout peut se régler dans ce cadre. J’ai plus de 50ans et je n’ai jamais vu un cimetière de café. Le stock de café en souffrance sera payé. Casser les délégations du Conseil café-cacao ou faire autre chose ne serait pas la solution. Concernant spécifiquement le blocage dans la commercialisation du café contrairement à ce qui se dit, le café se paye. C’est l’exportation du café qui pose problème. C’est pourquoi, il y a eu des remorques bloquées dans nos ports notamment au port d’Abidjan. Justement parlant de ce blocage, il est bon de savoir que nous-mêmes coopératives de producteurs ou acheteurs nous ne voulons pas aller à la professionnalisation de nos activités. Aujourd’hui, pour convoyer le café au port d’Abidjan ou au port de San pedro, il faut avoir un acheteur. Dans le cas contraire, si tu n’as pas d’acheteur et que même si tu as une remorque que tu vas immobiliser au port, cela va faire le lit des spéculateurs. Le temps de trouver un preneur à ton produit. Il nous faut donc sortir de ce piège là et mettre le cap véritablement sur la professionnalisation de nos activités

Vous dites qu’il n’y a pas de blocage alors qu’il n’y a un blocage au niveau de l’Algérie ?

L’Algérie dispose d’une plate-forme par laquelle transit le café d’origine Côte d’Ivoire. Ce n’est pas l’Etat algérien qui paye le café. Au niveau de ce pays, il a été exigé des documents. Le café est un produit alimentaire et donc, il faut au moins payer une caution. Ce que des exportateurs ont trouvé beaucoup plus élevée. Face à la situation, le Directeur général du Conseil du café et du cacao a décidé de monter au créneau avec ses collaborateurs. Pour trouver une solution, étant donné que le Ccc joue le rôle d’intermédiaire entre l’Etat et les acteurs. Cette structure ne paye pas le produit mais fait la régulation, le développement et la stabilisation. Ce sont des choses à savoir et il faut aller à une grande professionnalisation. C’est pour cela que le ministère de l’Agriculture et du développement rural, nous a invités à plusieurs reprises, à mettre en place notre interprofession. Mieux, à devenir de véritables exploitants agricoles ( voire encadré) Malheureusement, des querelles entre nous font que nous n’arrivons jamais à nous mettre d’accord sur l’essentiel : la mise en place de notre interprofession. Pour que nous ayons notre mot à dire sur ce genre de situation qui s’impose en ce moment à nous. Aujourd’hui, certains d’entre nous font de la politique alimentaire. Il nous faut d’abord discuter en interne avant d’aller sur la place publique.

Il se dit que l’entrepôt de Sifca-coop aurait été cédé à des exportateurs proches de la Présidence de la République de Côte d’Ivoire ?

Ce sont des rumeurs. Moi j’ai vendu mon cacao à Sifca coop qui est dirigée par M. Silué Boloba. Pensez-vous qu’on peut nommer un directeur à la tête de Sifca-coop et vendre ce site le lendemain ? Le Dg qui vient d’arriver ne peut vendre cet actif. (…) tous les Présidents ivoiriens se soucient des producteurs mais est-ce que les producteurs se soucient d’eux-mêmes ? Laissons- les travailler et jugeons – les au bilan.

Selon vous à quoi est due la fuite du café et cacao ?

C’est un phénomène qui a toujours existé dans un sens comme dans l’autre. Il y a des gens qui ne vivent que de ça. Dès qu’il y a des remous dans la filière, ils en profitent. Ce sont des hommes d’affaires qui ont de l’argent. Un producteur ne va jamais prendre un sac pour traverser la frontière. Il est dans son champ. Si tu viens et que tu lui fais une bonne proposition, il va t’envoyer son produit. Au lieu d’interroger les syndicalistes, les chaines étrangères gagneraient à venir constater les choses sur le terrain. Ce n’est pas seulement le café et le cacao qui sont touchés par ce phénomène. Il y aussi la noix de cajou. Quand nous nous faisons accompagner de nos enfants dans nos champs, ils parlent d’exploitation des enfants dans la cacaoculture. Mais jamais la communauté internationale ne s’alarme sur le trafic transfrontalier de nos produits agricoles. Tout le monde sait ce qui se passe.

Voulez-vous dire que c’est un phénomène qui est connu de tous ?

Tout à fait ! Des convois de remorques de cacao passent devant tout le monde et entrent au Ghana. Ils disent que c’est un problème de prix. Mais en vérité, ceux qui le font sont tellement rackettés qu’ils laissent sur la route. Dieu seul sait le montant des fonds que les ghanéens ont laissé dans nos zones de production en Côte d’Ivoire.

Ne pensez-vous pas qu’une transformation à grande échelle de notre café et cacao aiderait à stabiliser les prix aux producteurs ?

On ne peut pas être premier producteur mondiale et ne pas pouvoir consommer sur place 2% de cette production. Pour qu’on puisse consommer le cacao sur place, il faut le transformer. Nous devons pouvoir donner l’envie aux populations ivoiriennes et partant celles de la sous- région de le consommer. Est-ce qu’il existe une politique dans ce sens-là ? Il faut aller dans ce cadre à la coopération sud-sud qui permettra d’envoyer du café moulu au Burkina Faso, au Mali et autres. Cela nous permettra d’échapper aux effets néfastes des spéculateurs d’outre –mer.

Bamba Mafoumgbé, Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Légende photo : Maurice Sawadogo,( Explotant agricole à Abengourou) :

« Pour qu’on puisse consommer le cacao sur place, il faut le transformer »

 

Encadré : Plus de 1 millions de cacaoculteurs peinent à aller à l’interprofession

A quand la mise en place de l’interprofession dans la filière café-cacao ? bien malin celui qui pourra répondre à cette question. En effet depuis plus d’une dizaine d’années et malgré tous les conseils des experts, les producteurs de café et de cacao n’arrivent jusque-là pas à s’entendre pour y arriver. Ils préfèrent travailler dans le désordre ou en groupuscule pour donner de la voix. Conséquences, quand survient une crise dans la filière café-cacao, des syndicalistes et présidents de sociétés coopératives sortent pour donner de la voix aux noms des producteurs de café et cacao. Mais combien sont t-ils officiellement ses producteurs de café et cacao grands créateurs de richesse en Côte d’Ivoire ? 700 mille ou plus de 800 mille planteurs de café-cacao ? Des sources officielles avancent le chiffre de 1 million de planteurs. Fait important, chaque producteur de cacao entretient en moyenne 6 personnes. Une masse critique dont la position devrait compter tout comme la position de la Côte d’Ivoire dans la fixation des prix aux producteurs. Ce qui visiblement n’est pas le cas. Même si les initiatives ne manquent pas, il faut véritablement mettre le cap sur la professionnalisation des acteurs. Des ateliers et séminaires ont régulièrement lieu dans ce sens. Un atelier de validation du projet de recensement des producteurs de café-cacao et de leurs vergers a eu lieu, il y a quelques années à Abidjan, a l’initiative du Conseil du café-cacao (Ccc). Cet atelier avait réuni des représentants des ministères et de l’administration agricole, des préfets de région des zones productrices, des partenaires techniques et financiers, du Comité national de télédétection et d’information géographique (Cntig) et bien d’autres. Au terme de quoi, l’opération de recensement qui devrait démarrer, devrait déboucher sur l’octroi de cartes professionnelles aux producteurs. « Ce recensement doit permettre de mieux cibler nos appuis aux producteurs, d’améliorer la traçabilité du produit et de sécuriser les transactions bord champ. Il permettra aussi la mise en place d’une interprofession forte, assise sur des organisations des producteurs crédibles » avait indiqué en temps les responsables du Conseil du Café et du cacao. Mais où en sommes avec l’octroi de cartes professionnelles ? Combien de planteurs de café et de cacao, le troisième recensement des exploitants et des exploitants agricoles( Reea) a-t-il touché ? Nous ne savons pas grand-chose. En attendant de trouver une réponse à cette violente question, il est bon de retenir que les résultats du 3e recensement des exploitants et des exploitations agricoles (Reea) qui ont été communiqué dans la mouvance du Sara 2017 par le ministère de l’agriculture et des ressources animales révèlent que la côte d’Ivoire compte plus d’un million d’exploitants agricoles. Le Coordonnateur national du Reea, Coulibaly Nouhoun qui a présenté les résultats a dit que ce sont 1 742 838 exploitants agricoles dont 379 658 femmes qui ont été recensés à la fin de cette opération. « Outre les exploitants agricoles, ce sont 1 407 451 ménages agricoles dont la taille moyenne est de 7,1 % qui ont enregistrées. A cela s’ajoutent le nombre total d’exploitants d’élevage (666 479), d’aquaculteurs (2 905), de sylviculteurs (12 580) et d’exploitants pratiquant la pêche (33 099). On dénombre également 296 exploitations modernes en Côte d’Ivoire, selon les chiffres livrés » a dit le Docteur Coulibaly Nouhoun. Se félicitant du travail effectué par ses services, le ministre de l’agriculture et du développement rural, Coulibaly Sangafowa, a rappelé à cette occasion l’importance du Reea, qui selon lui « permet d’actualiser les statistiques agricoles après le recensement national de l’Agriculture de 2001.Cette opération qui vise à doter le pays de données fiables, précises et actualisées sur les exploitants et exploitations agricoles en vue de disposer d’une cartographie vraie, a été lancée en 2015 Ce recensement cofinancé par l’Etat de Côte d’Ivoire et l’Union Européen avec l’appui technique de la Fao . Le Reea 2015 a coûté 7,5 milliards Fcfa dont 54% (3,9 milliards Ffcfa). La contribution de l’Union européenne est de cinq millions d’Euros (3,3 milliards Fcfa), soit 44% du budget, et 2% sont apportés par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao) qui assure par ailleurs 80% de l’assistance technique. Aussi, en Côte d’Ivoire, on ne parle plus de planteurs de cacao et cacao mais d’exploitants agricoles. Un exploitant agricole, c’est celui qui fait un peut tout. Il a l’avantage de diversifier ses sources de revenus. En faisant de l’aquaculture, l’élevage, l’agriculture vivrière. En plus de faire les cultures de rente comme le coton, le café et le cacao en fonction des zones de productions.

 

Bamba M..

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