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samedi 27 avril 2024
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Contribution//Sécurité routière et conflits entre usagers de la route et policiers// Pour une réorientation du rôle répressif de la police de la circulation vers un rôle éducatif des usagers

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Contribution//Sécurité routière et conflits entre usagers de la route et policiers//  Pour une réorientation du rôle répressif de la police de la circulation vers un rôle éducatif des usagers

Contexte
La sécurité routière, c’est l’ensemble des procédés qui a pour objectif de réduire les préjudices (décès, traumatismes, incapacités et dommages matériels) subis en cas d’accident. Selon Handicap International (2016),elle prend généralement en compte les trois éléments interactifs suivants : sécurité des usagers de la route, sécurité de l’environnement routier et sécurité des véhicules. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2018), il y a plus d’1,3 million de morts dans les accidents de la circulation routière et plus de 50 000 000 blessés ou invalides, chaque année. La région africaine, avec seulement 2% du parc automobile mondial, enregistre un taux de décès de 26,6 pour 100 000 habitants alors que la moyenne mondiale est de 17,4%. En Côte d’Ivoire, la situation de la sécurité routière est préoccupante. En effet, au cours des 05 dernières années, il a été dénombré en moyenne par an, plus de 12 000 accidents corporels, plus de 1 200 tués et plus de 21 000 blessés, pour une perte moyenne de 3% du PIB de l’économie nationale. Malgré les incidents qui y sont liés, la circulation est un mal nécessaire. Dans la mégapole abidjanaise, le besoin de se déplacer est en hausse. Lieu de rencontre, la route est un champ d’interactions entre les usagers et les policiers. La présente réflexion porte sur les rapports conflictuels entre les acteurs suscités et sur une nouvelle approche pour contribuer à la sécurité routière.

Les acteurs clés
Les accidents de la circulation constituent la première cause de mortalité des populations âgées de 05 à 29 ans (Stratégie Nationale de Sécurité Routière 2021-2025 du Ministère Ivoirien des Transports, 2021). La sécurité routière est donc un sujet inscrit dans le quotidien des ivoiriens, tant les accidents sont récurrents et meurtriers.
Dans un tel contexte, les pouvoirs publics ont été interpellés. À chaque drame, sa réunion d’urgence et ses dispositions. Finalement, les sanctions se multiplient. De l’acquisition du permis de conduire à sa perte, tout a été brillamment planifié dans les bureaux et salles de réunion. Toutes ces réformes doivent s’appliquer sur la route.
La sécurité routière implique 2 acteurs majeurs : les usagers (conducteurs, notamment les transporteurs et usagers personnels) et les forces de sécurité (unité de régulation de la circulation de la police). Les usagers de la route sont des personnes qui utilisent le véhicule sur la voie publique et partent d’un point A à un point B. Leurs objectifs sont, d’une part, de faire leurs courses le plus rapidement possible, d’autre part, d’aller et venir en toute sécurité. Le gain du temps et la préservation de l’intégrité physique et matériel résument les 2 objectifs des usagers.
Au niveau de la police, nous identifions également 2 objectifs : sécuriser le trafic et les personnes ; collecter des fonds. La sécurisation implique le respect des règles, la sécurité des usagers et des biens. La collecte des fonds est l’autre facette de la police de la circulation.
Au niveau de chacun des acteurs, l’objectif sur lequel on communique le moins est le plus visible, le plus affiché. Au niveau des usagers, le gain de temps, avec sa gamme d’impatience, d’empressement, d’imprudence, est le plus visible. Au niveau de la police, la collecte des fonds avec sa gamme de « corruption », d’insécurité, est le plus perceptible. Dans les 2 cas, l’objectif le moins communiqué est le plus pratiquer, d’où les interactions complexes.

Les interactions problématiques
Les interactions entre les policiers et les usagers sont récurrentes. Ces 2 entités, bien qu’obligées de coopérer, ne font pas bon ménage. Et pour cause, la relation entre usagers et policiers est un conflit permanent. En général, la tendance des usagers à “faire vite“ s’oppose au rôle sécuritaire de la police, qui a tendance à y répondre par la sanction financière systématique. Mais le problème fondamental se situe au niveau des perceptions que les uns ont pour les autres. Dans un sens comme dans l’autre, chaque acteur est sur la défensive, prêt à réagir face à l’autre. En interrogeant les usagers, il revient souvent l’idée selon laquelle les policiers sont à la recherche permanente de la faute. La simple vue d’un policier irrite les usagers, particulièrement les transporteurs : « ceux-là, quand ils sont là, au lieu de mettre de l’ordre, tout ce qui les intéressent, c’est l’argent » ; « tout le monde sait qu’ils ne viennent pas faire la sécurité. Ils nous menacent toujours avec les papillons » ; « où ils sont là, ils attendent une seule erreur. Ils ne sont pas là pour éviter les erreurs hein, au contraire, ils espèrent une faute pour sauter dessus » ; entend-on dire souvent. Les policiers interrogés ont brandit l’alibi du défaut de permission pour répondre aux questions. Toutefois, les conflits manifestes et parfois violents sont signalés sur les réseaux sociaux. À notre humble avis, la posture défensive des usagers vis-à-vis de la police de la route est due à un sentiment d’impuissance et d’injustice. Les usagers considèrent que tout contrôle de véhicule va finir par avoir un impact négatif sur leurs poches. Ne dit-on pas que « si vous voulez voir la réaction de quelqu’un, il faut toucher à sa poche » ? Dans un contexte social relativement difficile, les usagers, comme toutes les autres populations s’irritent à la simple idée de perdre de l’argent, « souvent même pour rien », c’est-à-dire sans raison. Ce type d’interactions policiers-usagers de la route impact la sécurité routière dans la mesure où elle est contraignante et ne garantit pas l’adhésion des acteurs en jeux dans le processus de sécurisation symbolisé par la présence policière.

Pour une approche éducative
La vue d’un policier de la circulation devrait inspirée sécurité, calme et non irritation. L’agressivité est souvent le résultat d’une posture défensive, avec ou sans raison, car disons-le tout net, la plupart des usagers ne respectent pas le code de la route. Cela dit, nous recommanderions à la police une posture éducative. Cette dernière passe par la courtoisie, l’assurance et l’explication. Ces réflexes établissent une relation de confiance et d’acceptation de la sanction, à l’image d’ « un homme qui invite une femme, acceptant de fait le principe de la souffrance des calculs de premier tour des éléphants de Côte d’Ivoire ». Sauf exception, la police de la circulation n’a pas besoin d’affirmer sa force, cela va de soi. Il faut veiller à être visible pour dissuader, plutôt que de se cacher pour guetter la moindre erreur. Nous proposons une approche éducative, particulièrement dans le sens du policier vers l’usager. Dans le rapport policier-usagers, en situation conventionnelle, la première entité a plus de possibilité de dominer et de modifier le comportement de la seconde. La police de la circulation devrait privilégier l’éducation à la sanction subite, la dissuasion aux aguets. Tant qu’elle sera perçue comme un corps à la recherche permanente de la faute, comme un corps qui s’empresse à la sanction, la police rebutera les usagers qui, au pire des cas, se prêteront toujours au jeu de la tentative de corruption pour couvrir leurs incivismes. Il faut donc changer d’approche, tout en mettant en priorité l’éducation permanente des usagers. Loin d’être une panacée, cette option peut être contrariée par des ordres fermes de distribuer les feuillets de contravention dans un cadre professionnel où l’obéissance est une religion.
BINI Koffi Roland, Sociologue, Chercheur à l’IES-Université Félix Houphouët-Boigny
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