Prix garanti bord champ (campagne 2023-2024): Cacao 1000 Fcfa/Kg;  Café  900 Fcfa/Kg

vendredi 17 mai 2024
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Sécurité alimentaire //Importance des Investissements dans l'agriculture africaine, Sem LIONEL ZINSOU, économiste// : « Il faut réduire les pertes, attirer les capitaux et gérer les risques »

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Sécurité alimentaire //Importance des Investissements dans l'agriculture africaine, Sem LIONEL ZINSOU, économiste// :   « Il faut réduire les pertes, attirer les capitaux et gérer les risques »

S.E.M. LIONEL ZINSOU, économiste et ancien premier ministre de la République du Bénin et membre du conseil d'administration de l'AGRA

Beaucoup de personnes ignorent un fait essentiel : l'agriculture est une entreprise qui demande beaucoup de capital avec l'énergie.
Cela se complique davantage par le fait que l'agriculture, étant fortement tributaire de l'énergie, accroît encore la demande en capitaux.

S.E.M. LIONEL ZINSOU, économiste et ancien premier ministre de la République du Bénin a souligné qu'en réalité, si l'on souhaite résoudre un problème majeur en Afrique, à savoir les pertes de récoltes, il est impératif de mettre en place des solutions de stockage. Même lorsque nous produisons des denrées sèches telles que les céréales, il est essentiel d'investir dans des silos. Cependant, pour que ces silos soient efficaces, ils doivent être alimentés en électricité, car sinon, ils ne remplissent pas leur rôle et peuvent même présenter des risques d'explosion. En somme, l'agriculture exige un double investissement, tant en amont pour la production que dans les infrastructures nécessaires à son optimisation.

"En ce qui concerne la conservation des produits frais, il est nécessaire de mettre en place une chaîne du froid afin de garantir leur qualité jusqu'aux consommateurs. Bien que ces investissements puissent réduire considérablement les pertes, il est important de noter que cela nécessite un financement substantiel", dit-il.

"En fait, une chose que les gens ignorent, c'est que l'agriculture et toute la chaîne demandent plus de capital que l'industrie de transformation. Cela signifie que nous manquons surtout en Afrique de capitaux permanents, de capitaux à long terme. On ne peut pas se contenter de crédit et de dette pour développer l'agriculture. Il faut pouvoir d’investir dans la durée", a-t-il affirmé.


"En parlant de capitaux, c'est vrai pour les cultures annuelles comme le maïs et le manioc, mais cela s'applique encore plus fortement à l'agroforesterie. Si vous voulez cultiver des arbres comme le palmier à huile ou des arbres fruitiers, vous avez souvent besoin de 5 à 7 ans pour atteindre un chiffre d'affaires significatif, le temps que vos plantations atteignent la maturité. Donc, il faut encore plus de temps et de capitaux pour ces types d'agriculture. C'est une idée fausse que la petite agriculture, populaire, familiale et traditionnelle n'a pas besoin de capitaux, car c'est en réalité celle qui en a le plus besoin", a-t-il ajouté.

"On confond souvent la petite agriculture des fermiers familiaux qui travaillent sur de petites parcelles avec le fait qu'ils n'ont pas besoin de capitaux, alors qu'en réalité, ce sont eux qui ont le plus besoin de capital. Il est essentiel de mettre en place toute une organisation financière pour soutenir les petites exploitations. Nous avons besoin de microfinance à long terme, pas seulement sur 6 mois, mais sur 3 à 5 ans, et pour les exploitations plus grandes, nous avons besoin de capitaux plus importants. C'est un aspect fondamental qui a souvent été négligé."

L’ancien premier ministre béninois participe au Forum africain sur les systèmes alimentaires (AGRF) 2023 qui se tient au Centre international des conférences Julius Nyerere à Dar es Salaam, en Tanzanie.

"Et maintenant, on voit bien qu'AGRA est vraiment très axé sur le financement et la capacité de commercialiser les produits. Cela demande non seulement du fonds de roulement, mais aussi du capital de travail. Il faut financer l'investissement, mais il faut aussi financer les besoins en fonds de roulement si l'on veut développer une agriculture qui ne se limite pas à l'autoconsommation, mais qui est capable de commercialiser ses produits." a-t-il déclaré.

"Si l'on veut nourrir l'Afrique, et même exporter à partir de l'Afrique pour nourrir une partie du monde - car les deux seront nécessaires - alors nous devons réduire massivement les pertes. Il y a un paradoxe : en Afrique, nous ne perdons jamais une partie de la production agricole que nous gaspillons au niveau du consommateur. Cela, c'est pour les pays riches. Les pays riches jettent une partie de ce qu'ils consomment. Ils ne sont pas économiques en réalité."

"En revanche, les pertes ont lieu au bord du champ, au moment où l'on ne sait pas protéger la récolte. Cela compromet la sécurité alimentaire et entrave le financement de toute la chaîne agricole. La première étape pour financer efficacement cette chaîne est de réduire les pertes, qui peuvent atteindre 30 à 40 pour cent, que ce soit sur du cacao, du manioc, ou d'autres cultures, au bord du champ. Lorsque l'on parvient à réduire ces pertes de 30 à 40 pour cent, une réalité quotidienne, à 20 à 10, voire proche de zéro, cela crée un surplus financier qui permet de financer le développement. De plus, cela met à disposition des populations des produits moins chers, plus abondants et disponibles. Ainsi, la réduction des pertes est fondamentale, et il est essentiel d'attirer les investissements pour optimiser ce processus."

Et pour introduire le rôle crucial de la conservation des produits dans ce processus, l’économiste Lionel Zinsou a souligné : "Et c'est là que la chaîne de froid est importante, ainsi que la logistique rapide. Tout ce qui se passe après la récolte est absolument fondamental, et tout cela doit être financé. L'économie coloniale n'a jamais investi dans ce domaine. Elle se contentait de collecter des produits dans une économie de traite, où il fallait collecter rapidement à des prix les plus bas, au lieu de stocker et de vendre tout au long de l'année. L'objectif était de vendre rapidement les produits aux agriculteurs pour réaliser des bénéfices. C'est ce modèle qui a complètement évolué. Cinquante à soixante ans après les indépendances, nous commençons enfin à prendre conscience que les capitaux doivent être investis dans ce secteur essentiel."

"La réduction des pertes a toujours été un élément clé de l'histoire économique, que ce soit lors de la transition des économies planifiées en Europe de l'Est, dans l'évolution de l'économie chinoise ou ailleurs. Cela a toujours impliqué d'attirer des capitaux pour atteindre cet objectif essentiel."


"Le risque n'est pas spécifique à l'agriculture, elle a ses propres risques, l'industrie a ses risques, des activités de service sont également conjecturalement volatiles, cela n'a rien de spécifique à l'agriculture. Il y a deux façons de faire face aux risques, et l'une d'entre elles est l'assurance. Nous sommes sur le continent où la pénétration de l'assurance est la plus faible. Il est important de noter qu'aucune agriculture prospère dans le monde n'est dépourvue d'assurance. Les assurances-récoltes, par exemple, sont un domaine rentable, et ce n'est en aucun cas une prise de risque excessive. Nous disposons de toutes les technologies nécessaires pour les mettre en œuvre, mais malheureusement, la pénétration de l'assurance reste faible."

"Quand on évoque le risque, parlons également de l'assurance du risque. L'assurance est une industrie à part entière qui fonctionne très bien. Une autre approche consiste à ce que les gouvernements réduisent les risques associés aux investissements."

"En ce qui concerne mon pays, le Bénin, nous avons mis en place une nouvelle politique qui commence à porter ses fruits. Nous offrons aux investisseurs une garantie selon laquelle ils ne subiront pas de pertes en investissant. Les gouvernements peuvent ainsi assumer une part du risque. Par exemple, actuellement, je collabore avec le gouvernement béninois en proposant aux investisseurs une garantie : si, au bout de cinq ans, vous n'atteignez pas vos objectifs, nous rachèterons votre capital ; Cela permet de minimiser les pertes et d'attirer un plus grand nombre d'investisseurs », dit-il.

Quand on parle de risques, il faut les traiter. Il n'y a aucune raison d'avoir une phobie du risque. Par exemple, le secteur du transport maritime a généré d'énormes bénéfices après la pandémie de COVID-19 en 2021. Cependant, les prix se sont effondrés lorsque l'économie est revenue à la normale et qu'une surcapacité logistique est survenue. Ce risque est bien plus significatif que le risque lié à la fluctuation des prix du cacao ou du blé. Cette approche n'est pas spécifique à l'agriculture, elle existe partout dans le monde développé, et il n'y a aucune raison de ne pas l'adopter.
Ayoko Mensah(Infos: k. Ali à Dar – Es- Salam)

 

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