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vendredi 3 mai 2024
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Du Franc Cfa à l’Eco// Entre passions et raison, les choix judicieux des Chefs d’État de l’Umoa

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Du Franc Cfa à l’Eco// Entre passions et raison, les choix judicieux des Chefs d’État de l’Umoa

C’est à une accélération de l’histoire monétaire de l’Afrique de l’Ouest-et en particulier de l’espace Umoa (Union monétaire ouest-africaine) qu’il est donné d’assister, depuis le sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) du 29 juin 2019. Réunis à Abuja, au Nigeria dans le cadre de la 55ème session ordinaire de leur conférence annuelle, les dirigeants des quinze pays membres avaient alors donné une nouvelle impulsion au processus d’intégration monétaire évoqué depuis 1983, en annonçant le démarrage de la monnaie unique dénommée Eco, avec les Etats qui respecteront les critères de convergence. Véritable serpent de mer, ce projet été repoussé à maintes reprises, en raison de divers achoppements. Pour qu’il aboutisse, les huit pays membres de l’Umoa (Côte d’Ivoire, Sénégal, Burkina, Mali, Niger, Bénin, Togo et Guinée Bissau) devaient en effet abandonner leur monnaie unique, le Franc Cfa et les sept autres (Nigeria, Ghana, Guinée, Liberia, Sierra Leone, Gambie, Cap Vert) leur monnaie nationale. Un processus par étapes : le leadership responsable des Chefs de l’Etat de la région.  Le débat sur le Franc Cfa a souvent été passionnel, charriant bien des considérations extra-monétaires et extra-économiques. L’histoire de la transition du Cfa vers l’Eco qui s’écrit sous nos yeux n’est pourtant que l’aboutissement d’une évolution de cette monnaie créée en 1945 plusieurs fois réformée à l’initiative des dirigeants africains, afin  de l’adapter aux mutations de l’environnement interne et exogène. Des réformes sont intervenues dans les accords de coopération monétaires lorsque les dirigeants de la zone les ont estimées nécessaires. Que l’on se souvienne, à cet égard, des évolutions intervenues en 1973, ainsi qu’en 1994, avec l’ajustement monétaire. Il faut reconnaître à nos Chefs d’Etat ce leadership responsable dont ils ont su faire preuve, parfois dans des contextes difficiles, en choisissant la réforme prudente plutôt que la révolution et le plongeon dans l’incertitude qui l’accompagne généralement. En phase avec les aspirations de leurs peuples, et en cohérence avec la phase actuelle d’intégration monétaire voulue par la Cedeao, les dirigeants de l’Umoa ont pris la décision historique de l’abandon du Franc Cfa au profit de la monnaie unique de la Cedeao. Dans son communiqué final, le sommet d’Abuja « réaffirme l’approche graduelle pour l’adoption de la monnaie unique en commençant par les pays qui atteignent les critères de convergence ». Cette option des dirigeants ouest-africains en faveur d’une transition en douceur, par étapes, constitue sans aucun doute, un choix de sagesse et de grande responsabilité. Elle a, en effet, l’avantage d’éviter des bouleversements intempestifs générateurs de perturbations et d’instabilités peu propices au déploiement de l’activité des différents agents économiques. Elle permet, ainsi, une construction sereine d’une union monétaire efficiente assise sur un environnement politique, économique et social favorisant les affaires, la production de biens et services, la croissance économique et le développement. La première étape de ce processus séquentiel d’unification monétaire au sein de la Cedeao est intervenue le 21 décembre dernier, avec la signature d’un nouvel accord de coopération entre les gouvernements des Etats membres de l’Union monétaire ouest-africaine(UMOA créée en 1962) et devenue depuis 1994 UEMOA) et la République française. « Considérant d’une part la résolution des Etats membres de l’Union monétaire ouest-africaine à concrétiser le projet de monnaie unique de la Cedeao ; considérant d’autre part le soutien de la République française à la démarche d’intégration régionale ; s’accordant en conséquence pour adapter la coopération monétaire entre les Etats membres de l’Umoa et la République française, notamment en prenant acte de leur décision de changer le nom de la monnaie des Etats membres de l’Union, et en convenant de supprimer le mécanisme du compte d’opérations et de transformer le rôle de la République française en celui de garant financier… » Ainsi commence cet accord initié par les dirigeants de l’Umoa, qui acte trois évolutions majeures : le changement du nom de la monnaie de l’Uemoa qui deviendra l’Eco ; la fin de la centralisation des réserves de change de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) au Trésor français , le retrait de la France des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente. Il convient de féliciter nos Chefs d’Etat de l’Umoa qui ont su négocier, en toute sérénité et responsabilité cette nouvelle convention historique qui permet de faire évoluer la monnaie de façon substantielle. Ceci sans ouvrir une ère d’incertitudes et d’instabilités, grâce au maintien de la coopération avec la France dont le rôle est désormais transformé en garant financier de la nouvelle devise. Ce développement doit être pris pour ce qu’il est : des premiers pas sur la voie de l’Eco de la Cedeao, qui seront suivis d’autres étapes, comme la revue de la parité fixe du futur Eco avec l’Euro, lorsque les deux zones monétaires présentes au sein de la Cedeao (Umoa et Zmao) fusionneront pour donner naissance à la monnaie unique ouest-africaine. L’annonce, le 20 mai, par le gouvernement français, d’un projet de loi consacrant la fin du Franc Cfa, ne vient qu’entériner, en réalité, l’accord monétaire de décembre dernier. Par cette démarche procédurale interne à l’ordonnancement juridique français, l’exécutif français demande au parlement français de lui donner ou non son accord pour ratifier et mettre en œuvre la nouvelle convention monétaire signée avec les huit Etats membres de l’Umoa, qui acte la disparition du Franc Cfa. L’Umoa, pilier de l’intégration monétaire ouest-africaine. L’Union monétaire ouest-africaine ne se retrouve pas au cœur de l’accélération de l’unification monétaire ouest-africaine par hasard. En matière d’intégration monétaire, les pays de l’Umoa ont été des précurseurs. En effet, il y a déjà près de soixante ans qu’ils ont choisi d’exercer en commun leur souveraineté dans le domaine de la monnaie, en instituant, par le Traité du 12 mai 1962, l’Union monétaire ouest-africaine. Par cet acte, ces pays qui constituaient un grand ensemble géopolitique, dans le cadre de l’ex-fédération de l’Afrique Occidentale française (Aof), instauraient ainsi une zone de coopération monétaire, fondée sur une profonde solidarité. Cette union monétaire (devenue à la fois monétaire et économique avec l’avènement de l’Uemoa), affiche de nombreux acquis, en dépit des écueils et des défis de développement restant à relever. La stabilité monétaire, réalisée grâce à la conduite d’une politique monétaire commune appropriée qui transcende les préoccupations et contraintes politiques nationales des États membres, est l’un des principaux défis relevés par l’Union. De même, la faible inflation enregistrée par la zone, au moment où d’autres pays affichaient jusqu’à 100% de taux d’inflation, est à classer au nombre des résultats positifs obtenus. Avec la mise en œuvre d’un Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité prescrivant le respect strict des critères de convergence arrêtés (un déficit budgétaire inférieur ou égal à 3 % du Pib, un taux d’inflation annuel moyen de 3% au maximum, ou encore un ratio de l’encours de la dette intérieure et extérieure/Pib ne devant pas excéder 70%), l’Umoa apparaît comme la zone la mieux préparée pour entrer dans l’ère de la monnaie unique de la Cedeao, en servant de locomotive. Le leadership transformateur du Président Alassane OuattaraLe leadership transformationnel, selon la théorie du management moderne, suppose que le leader dispose d’une vision du futur qui partage sa passion pour réaliser de grandes choses grandes choses. Il est capable de préciser discursivement cette vision et il est doté d’une passion pour réaliser de grandes choses en inspirant l’enthousiasme, en injectant de l’énergie, en fournissant un modèle de comportement qui soit cohérent avec cette vision, et ainsi de favoriser l’acceptation des objectifs individuels et collectifs. L’évolution sans heurts du Franc Cfa vers l’Eco doit beaucoup au leadership transformationnel du Président Alassane Ouattara. Porté par ses pairs à la présidence de la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Uemoa, avec un mandat spécial pour conduire la réforme de la monnaie unique, c’est lui qui a engagé résolument le chantier de la transformation de la monnaie qui suscitait tant de passions excessives, pour le faire aboutir en douceur, sans bouleverser fondamentalement l’économie et la vie des populations. L’histoire lui saura gré d’avoir transformé en réalité ce qui n’était, jusque -là qu’une vue de l’esprit. Depuis le mémorable sommet de la Cedeao de 1983 où fut adoptée l’idée d’une monnaie unique ouest-africaines, l’histoire a longtemps bégayé, entre immobilisme et reports successifs, au point où nombre d’analystes ont assimilé la monnaie unique de la Cedeao à un serpent de mer, voire à une autre utopie africaine. En portant avec conviction, intelligence et pragmatisme ce projet, avec le soutien de ses pairs de l’Uemoa, le Président Alassane Ouattara permet au rêve trentenaire de devenir réalité, afin de contribuer à un meilleur développement socioéconomique et à l’émergence de l’Afrique de l’Ouest. Une belle leçon de panafricanisme et de solidarité agissante pour l’Afrique et le bien-être de ses populations. 

Une contribution  D’Adama Koné, Ancien  ministre  de l’Economie   et  des finances 

  In FratMat  du Mercredi 27 mai 2020

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