M. Directeur général, pouvez-vous nous faire un point sur la fuite de l’anacarde durant la campagne de commercialisation 2019 ?
Il est difficile de donner un chiffre précis. Nous pouvons juste faire des extrapolations pour donner ce que nous estimons à partir de la production nationale. Il s’agit de chiffres que nous avons que nous avons enregistré dans nos bases de données en termes de commercialisation. Il convient à ce niveau de faire la part des choses entre ce qui est commercialisé en interne et la production nationale. Nous sommes d’accord pour dire que la production ivoirienne dépasse les 800 mille tonnes. Il se trouve que pour l’année 2019, nous n’avons enregistré que 634 641 tonnes. Nous sommes conscients qu’il une bonne parti du produit qui passe par les frontières terrestres. Ces deux dernières années, le phénomène a pris une ampleur telle qu’il commence à menacer sérieusement la filière.Mais pourquoi ?Au titre de la parafiscalité, il y a un manque à gagner de plusieurs milliards de Fcfa. Nos estimations indiquent que nous ne sommes pas loin des 17 milliards de manque à gagner. Ceci étant, pour le producteur, il n’y a pas eu de perte étant donné qu’il a vendu son produit. Même si ce produit a pris une destination extérieure, il est reste que le producteur a fait sa recette. La production nationale a certes atteint les 800 mille tonnes de noix brutes, mais ce que nous avons atteint dans nos bases de données c’est 634641 tonnes. Le gap représente la quantité qui s’est retrouvé hors de nos frontières et qui oscille en 150 mille et 200 mille tonnes. Précisons que ce n’est pas une seule frontière qui est poreuse. Tous les pays qui nous entourent considèrent qu’ils ont droit à une part de l’éléphant. Dans le Gontougo on est passé de plus de 130mille tonnes à 17 mille tonnes sur 4 à 5 ans. Qu’est ce qui a pu se passer alors qu’il n’y a pas eu de catastrophe naturelle, de feu de brousse ? La pluviométrie a été bonne. Cela interpelle. En ce qui concerne le respect du prix du Kg, nous avons sur le terrain nos dispositifs de commercialisation avec des documents que l’acheteur doit renseigner. Vous ne pouvez pas acheter un Kg de noix sans renseigner notre carnet d’achat documents dont une copie reste avec le producteur. Mais, malheureusement, il se trouve que des producteurs se rendent complices de certains acheteurs véreux. Ce sont ces données qui permettent au comité de veille dans chaque département de surveiller l’application et le respect des prix sur le terrain. C’est l’une des difficultés sur le terrain. Des exportateurs et acheteurs agrées par le Conseil du coton et de l’anacarde ont également décidé d’aller s’installer au Ghana, le long de la frontière d’avec la Côte d’Ivoire pour mieux capter la production ivoirienne. Des sanctions sont prévues dans ce sens ?Oui , il y a des installations le long des frontières. Les multinationales qui sont basées ici, sont les mêmes que dans les pays voisins. Ils travaillent également avec des acteurs qu’on trouve dans nos zones de production et vice versa. Ce qui nous gêne, c’est ceux qui est achètent dans l’intention de réexporter. Le port de Tema est devenu le premier port d’exportation mondiale de noix brutes avec plus de 391 mille tonnes pour une production nationale qui ne peut pas dépasser 125 mille tonnes. Il nous revient que le Burkina exporte aussi par ce port. La différence ne vient pas forcement de nos plantations mais il y a un gros volume qui vient de chez nous. Ce n’est pas ce qui est transformé au Ghana qui nous pose problème. Sa capacité de transformation est d’environ 20 mille tonnes. Ce pays a une grosse unité qui est installée à Tema qui décortique entre 12 et 13 mille tonnes. Le reste, ce sont des petites unités qui sont installées. Ce n’est pas ça aussi qui nous gêne fondamentalement. La Côte d’Ivoire est quatrième transformateur mondial d’anacarde malgré la faiblesse de nos volumes et récemment nous avons conforté notre position sur le marché européen en termes d’exportation d’amande en tant que quatrième fournisseur en amende après le Vietnam, l’Inde et le Brésil.
Pour lutter contre la fuite de la noix de cajou, le Cca va s’appuyer sur une ordonnance. Pouvez-vous nous en parler ?Cette ordonnance N°2018-437 du 03 Mai 2018 portant répression de la commercialisation et de l’exportation illicites des produits agricoles, en son article 3 dit très clairement : « Sont confisqués aux profits de l’organe en charge de la régulation de la filière agricole concernée, les produits des infractions prévues par la présente ordonnance. Peuvent être confisqués, les moyens de transports ayant servi à commettre l’infraction ». C’est le Conseil du coton et de l’anacarde qui a initié cette ordonnance et le gouvernement a estimé que ça ne pouvait-être spécifique à l’anacarde. Donc elle a été élargie à l’ensemble des filières dont les produits sont l’objet d’exportation frauduleuse. Nous sommes en train d’actionner tous les acteurs afin que nous puissions parler le même langage.2019, nous avons apporté notre contribution dans le cadre de l’opération qui avait été initiée précédemment mais ce dispositif ne nous a pas donné satisfaction. Nous allons voir comment nous allons renforcer ce dispositif et apporter notre contribution en termes de mobilité aux forces qui sont basées à Ouagolo, Ferkessedougou et Bondoukou. En plus de ce que va faire l’Etat lui-même.
M. le Directeur général, pouvez-vous nous faire un petit bilan de la campagne 2019, le taux de transformation et les prévisions pour 2020 ?
En 2019, la production ivoirienne a été de 634641tonnes comme indiqué plus haut, contre 761731tonnes en 2018. C’est une baisse de 17% d’une année à l’autre. En ce qui concerne la transformation, nous avons enregistré 68mille tonnes en 2018 contre 57 mille tonnes en 2019. Au titre des exportations locales, 574 mille tonnes en 2019 contre 642 mille tonnes en 2018. Notre plus grande satisfaction, c’est qu’il y a une véritable dynamique au niveau de la transformation. C’est qu’entre 2018 et 2019, le volume a baissé mais, entre- temps il y a 9 nouvelles unités qui ont été créées en 2019 d’une capacité d’environ 170 mille tonnes. Au moment où nous vous parlons, il y a 9 nouvelles unités qui sont en construction et qui vont démarrer leurs activités en 2020. Nous ne parlons pas des projets qui sont prêts et qui vont démarrer en 2020. Au total, sur les deux années, nous allons avoir une capacité additionnelle de l’ordre de 165 mille tonnes. Ce qui nous fonde à espérer que la Côte d’Ivoire va atteindre en fin 2020, le seuil psychologique de 100 mille tonnes transformées localement. D’ici 2023, la capacité de transformation installée sera d’environ 500 mille tonnes.Bamba Mafoumgbé Légende photo : Dr Adama Coulibaly, Directeur général du Conseil du Coton et anacarde : « D’ici 2023, la capacité de transformation installée sera d’environ 500 mille tonnes » ( In Le Temps du 13 février 2020)
Fuite de l’anacarde/Dr Adama Coulibaly Dg du Cca // « Le phénomène menace sérieusement la filière(…) »
Publié le 18 février 2020