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vendredi 3 mai 2024
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M. MONDHER MIMOUNI (Chef de l’intelligence commerciale ITC)// « (…) beaucoup d’obstacles au commerce en Côte d’Ivoire »

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M.  MONDHER MIMOUNI (Chef  de  l’intelligence commerciale   ITC)//     « (…) beaucoup d’obstacles au commerce en Côte d’Ivoire »

« (…) beaucoup d’obstacles au commerce en Côte d’Ivoire »

C’est en principe en ce mois de Janvier 2020, que sera opérationnelle, la Zone de libre- échange continentale africaine(Zlecaf). En attendant, M. MONDHER MIMOUNI, chef de l’Intelligence commerciale au Centre de commerce international(Cci) situe les enjeux de l’appui de la structure dans la redynamisation du commerce intra africain.

 

De manière concrète qu’ est ce qui a été déjà fait sur le terrain en Afrique ?

 

Le Centre de commerce international( Cci), ou Itc en anglais existe depuis 1964. Il a été créé en même temps que la Cnuced et le Gatt( actuel Omc). En plus que 50 ans, le Cci a énormément fait dans le cadre de son mandat. Qui est principalement d’aider et de soutenir le secteur privé. En travaillant directement avec celui-ci mais aussi en travaillant avec les institutions d’appui à l’investissement. Mais aussi les ministères du Commerce, de l’Industrie. Sans oublier ceux de la Jeunesse et de la Femme, puisque nous avons des activités qui se diversifient de plus en plus. En vue d’un développement inclusive qui va jusqu’ à l’Environnement. Notre mandat, c’est d’aider et de soutenir le secteur privé dans les différents pays. Etant donné que toute la richesse vient du secteur privé. Nous sommes présents dans des pays, où le tissu industriel est composé de Petites et moyennes entreprises( Pme) qui ont besoin de beaucoup de soutiens. Dans le cadre de la gestion de l’information commerciale, nous aidons principalement les pays à mieux utiliser l’information commerciale. Nous sommes dans un monde où le plus fort, c’est celui qui détient l’information. Les plus grosses entreprises, ce n’est pas Bouygues, Airbus ou General Electric. Mais les entreprises de communication et d’informations. Citons : Google, Facebook, Amazone entre autres. Ce sont ces entreprises-là qui tiennent l’information et qui savent la sortir le moment précis. Notre mandat aussi, c’est d’aider les plus petites entreprises à avoir accès à l’information et la rendre digeste. Afin de les aider à mieux s’orienter et savoir vers qui exporter. Nous sommes leaders mondial sur l’information commerciale et nous donnons libre accès à celle dont nous disposons. C’est la principale raison pour quelle, nous entendons bien travailler en synergie avec vous, pour aider les Pme à avoir accès à l’information juste qui puisse aider les Pme à prendre la décision juste.

Dans ce cadre vous avez montez des projets sur l’Ile des Comores. Pouvez-vous nous en parler ?

 

Nous avons monté un petit projet sur l’Ile des Comores. Qui exporte actuellement trois principaux produits. Citons entre autres, la Vanille et le girofle. Avant, ils exportaient 12 produits et petit à petit, ils sont arrivés à trois. Chaque année, les acheteurs venaient et c’est eux qui fixaient les prix. Pendant que les producteurs n’avaient aucune idée sur les prix qui sont pratiqués ailleurs. Pour tout dire, ils abusaient d’eux. Vu qu’ils se trouvaient à la période de la récolte où ils étaient obligés de vendre. Soit ils vendent soit ils se trouvaient en surproduction( …) C’est ce qui a entrainé petit à petit à la disparition du tissu productif de ce pays.

 

Qu’avez-vous fait pour sauver la situation ?

 

Nous avons implémenté un applicatif que nous avons lancé il y a deux ans. Celui-ci nous donne au jour le jour, les prix pratiqués sur le marché mondial. Ainsi, l’acheteur ne viendra fixer un autre prix bas aux producteurs. Là où le Kg de la vanille vaut plus. Ce ne sont pas les producteurs seulement, mais les chambres de commerce qui peuvent utiliser les prix donnés par l’applicatif pour mieux les diffuser auprès des producteurs qui sont connectés aux différentes chambres de commerce. Ainsi, plus jamais quelqu’un ne viendra leur dicter un prix dérisoire.

En Afrique de l’ouest, il se dit que c’est difficile d’avoir accès aux informations commerciales. Quel est le problème ?

 

C’est un problème général. On ne peut pas indexer l’Afrique de l’Ouest. Par ce qu’en Afrique centrale, l’information commerciale laisse à désirer tout comme en Afrique du nord. ( …). Quand un gouvernement ou un chef d’entreprise décide, il le fait en fonction de l’information la plus récente. Dans plusieurs pays de la région, le problème auquel l’on fait face, c’est que même si l’information existe, elle est caduque. Si vous allez à la Banque centrale, à l’institut national de la statistique ou au ministère du Commerce, vous allez trouver parfois des informations contradictoires. Sur quelle base prendre une décision étant donné que l’information commerciale est un outil de décision ? De deux, quand l’information idoine existe, elle se trouve dans des bureaux mais pas centralisée dans un endroit précis. D’où on peut la partager avec les institutions et autres potentiels utilisateurs. Des efforts sont faits de la part des différents Etats. Au niveau de l’Union économique et monétaire ouest africain( Uemoa), un formidable travail est en train d’être fait à travers la mise en place d’un portail d’informations commerciales. Mais ça ne suffit pas. Ce portail n’est pas opérationnel. Si je voudrais voir ce que la Côte d’Ivoire a exporté le mois dernier et les prix réels, je ne peux pas. Le secteur privé a besoin d’informations très récentes et très rapidement. En Côte d’Ivoire, par exemple, nous avons mis en place, il y de cela trois ans, un système d’alerte aux obstacles au commerce. Ce système est logé à la chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire. Pour exporter, plusieurs institutions entrent en jeu. Nous avons les ministères de la Santé, de l’industrie, du Commerce, de l’Economie et des finances. Cela dépend du produit mais nous avons plusieurs institutions qui entrent dans la régulation d’un produit. Nous avons fait une enquête au niveau de la Côte d’Ivoire, nous sommes arrivés à conclusion qu’il y avait beaucoup d’obstacles au commerce et beaucoup d’obstacles procéduraux qui sont longues. Ce qui affecte la compétitivité du pays. Quand nous avons mis ce système en place, au début c’était excellent. Après une campagne de communication, plusieurs dizaines de personnes aussi bien des hommes d’affaires, des petits que de grands exportateurs ont commencé à l’utiliser. Dès que votre produit est bloqué au niveau de la Douane, vous envoyez un message qui arrive à un point focal. Qui à son tour, va le redistribuer à l’institution qui est en charge de ça. Ce dernier va régler immédiatement. Cela fait gagner beaucoup d’argent au pays. Au début le système a marché mais petit à petit, le nombre d’utilisateurs a baissé.

Pourquoi ce relâchement ?

Les utilisateurs n’ont pas maintenu ce système d’alerte. Nous au niveau de l’Europe, il y a ce genre de système qui marche très bien. Tous les exportateurs et tous ceux qui sont dans le secteur économique, l’utilise et il y a une communication autour de ça. La presse économique, les centres de promotion du commerce doivent utiliser les mécanismes qui sont en place. Mais si on n’améliore pas la communication, ils seront sous utilisés. Par exemple, en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, le système mis en place, nous

a permis de régler beaucoup de problèmes au niveau des importateurs et exportateurs. Notamment ceux liés au certificat d’origine qui devrait passer par la Chambre de commerce et d’industrie. Nous l’avons fait en Ile Maurice où beaucoup de taxes qui ont été éliminées. Des structures font des ajouts et oublient de faire des nettoyages au fur et à mesure. Si on ne procède pas à des nettoyages, sans le vouloir, on peut avoir des procédures qui se dupliquent. Avec à la clé des coûts additionnels à la charge des opérateurs économiques. Or on doit faire en sorte de gagner des points de compétitivité. A chaque fois qu’on laisse passer des éléments de ce style- là, cela affecte la compétitivité nationale. Nous avons aidé en Côte d’Ivoire travaillé sur le Pacir et formé des opérateurs à l’analyse commercial. Ce sont ce genre d’intelligence que nous voulons aider à créer au niveau des pays.

Vous avez dit que vous essayez de rendre l’information digeste de telle sorte qu’elle puisse profiter aux petits exploitants. Quels sont les moyens au niveau de l’Afrique pour atteindre vos cibles qui n’ont souvent pas accès à internet ?

C’est un problème majeur. Quand on a des micro- entreprises, c’est difficile d’atteindre les producteurs et les petits exportateurs. Raison pour laquelle, nous voulons renforcer notre collaboration avec les chambres de commerce en leur mettant à disposition toutes les informations et les moyens. Malheureusement, dans certaines régions, l’accès à l’internet est difficile.(…) Un accord qui a permis d’augmenter les exportations, c’est bien Agoa. Mais il y a beaucoup de technicité dedans. Pour toute l’Afrique de l’Ouest, nous avons fait des guides qui les aident à mieux tirer profits de l’Agoa de A à z. Ce pour différents secteurs. Cela a eu tellement de succès que nous avons été invités par des ambassadeurs africains à Washington pour leur présenter ça et renforcer à la communication. Malheureusement, quel que soit le budget que vous mettez en place, quel que soit la volonté que vous mettez en place, si vous n’avez pas le soutien du pays lui-même, c’est difficile d’atteindre les résultats escomptés. Si nous développons un système qu’on fournit à un partenaire, ce que nous attendons de lui, c’est de maintenir le cap en consolidant les acquis par lui-même. Surtout quand il y a un avantage. C’est vrai nous aidons mais il faut que la partie tierce, prenne la relève. Nous ne comprenons pas pourquoi, ce n’est pas le cas.

Et au Cameroun… ?

Personnellement je n’ai pas travaillé sur le Cameroun ces dernières années. Mais avons un grand projet financé par l’Angleterre, dans le cadre de l’observatoire à mettre en place. La Côte d’Ivoire et le Cameroun sont deux pays pilotes avec l’observatoire que nous sommes en train de mettre en place. Nous allons sélectionner un ou deux secteurs clés par pays sur les lesquels nous allons travailler sur les 24 pays sélectionnés. En travaillant par exemple sur la chaine des valeurs et la promotion des exportations.

Avec la Zlecaf, comment entendez-vous travailler avec le secteur privé africain pour le rendre plus compétitif ?

Le Centre de commerce international(Itc) croit beaucoup en l’accord sur la Zone de libre -échange continentale africaine. Nous ne sommes pas le seul d’ailleurs. Il n’y a qu’à voir l’engouement au niveau de certains pays du G20. Ils sont très intéressés par tout ce qui concerne cet accord aussi bien au sein de l’Union africaine( Ua) que des différents pays. Afin d’aider à booster le commerce intra-africain par exemple d’une part et avoir une relation plus approfondie avec l’Afrique d’autre part. S’ils le font, c’est qu’ils croient au potentiel qui est énorme dans plusieurs régions d’Afrique. Quand on regarde la structure du commerce de l’Afrique, il y a beaucoup de produits de base, beaucoup de commerce de produits semi-transformés. L’inconvénient avec un tel tableau, par exemple pour les pays qui exportent 80% de pétrole et du bois, même si on déclare que le pays exporte pour 20 milliards de dollars de pétrole, ce sont les multinationales qui exportent. Mais combien va revenir au pays en termes de royalties. Combien d’emplois sont créés par l’exportation des produits de base? C’est très peu d’emplois dans le pays. Donc si la transformation ne se fait pas sur place, dans les pays producteurs, les problèmes de chômage des jeunes et la lutte contre la pauvreté ne vont pas être réglés. En somme, le pays qui continue à exporter des produits bruts, il exporte des produits à très peu de valeur ajoutée.

Qu’entend donc concrètement voir le Centre de commerce international en Afrique ?

Quand on exporte en dollars en Afrique, 60% sont en valeur ajoutée alors que quand on exporte vers le reste du monde, il n’y a que 30% de produits finis. En augmentant vos exportations vers l’Afrique, vous avez plus de création de richesses. Souvent on voit que plusieurs pays exportent vers les pays traditionnels, avec des contrats déjà prédéfinis. Dans ce cas de figures, le producteur ou l’exportateur ne cherche pas à identifier de nouvelles opportunités. Parce qu’il connait la transaction et la procédure. C’est peut-être partiellement la faute au producteur ou à l’exportateur qui ne cherche pas à diversifier ses partenariats mais aussi c’est la faute aux institutions en charge de son environnement de commerce qui ne l’informe pas sur le potentiel qui existe. Quand je prends un pays comme le Togo, les exportations c’est vers la France( …). Quand vous regardez la liste des exportateurs de café au monde, dans les Top 5, il y a plusieurs pays qui ne produisent pas un grain de café.

Qu’en est –il de l’Intégration régionale ?

Il faut la renforcer que d’exporter sur le reste du monde. C’est important. Mais pour y réussir, il faut développer une certaine intelligence commerciale pour identifier les potentialités. Une fois que cela est fait, il faut voir comment donner plus de valeurs aux produits existants. Souvent on parle de transformation mais souvent c’est sur le packaging. Si vous arrivez à respecter les normes et les standards, le secteur privé peut gagner beaucoup. Ce dernier pour prospérer, il a besoin qu’on le guide un peu en améliorant l’environnement du commerce. Notamment le coût du transport qui est souvent moins cher de la Chine au Nigeria que du Nigeria au Sénégal. Le coût du transport intra- africain est très élevé. L’insécurité joue un rôle tout comme le manque d’infrastructure qui est un sérieux problème(…) Il faut réduire aussi les obstacles au commerce qui existent entre les pays. Une fois que vous arrivez à faire ça, l’idée c’est de fournir des informations aux entreprises sur les potentiels qui peuvent avoir ou dégager de l’Afrique, afin de bénéficier c’est le but de l’observatoire que nous sommes en train de mettre en place. Ce pour les aider à avoir les informations au jour le jour. Nous voulons aussi connecter les entreprises. Théoriquement, il y a du potentiel, il faut mettre les infrastructures en place pour booster le commerce en Afrique. Sans oublier l’assurance. Il faut assurer les transactions c’est important.

En ce qui concerne l’observatoire africain du Commerce, vous avez commencé avec 14 pays, quand allez-vous atteindre l’étape des 54 pays ?

L’observatoire est un projet sur 4 voire 4 et demi. Nous avons défini un calendrier que nous sommes en train de respecter d’ailleurs. Dans plusieurs pays, nous sommes en train et nous voulons avoir l’information en temps réel. C’est difficile et c’est pourquoi nous avons voulu commencer avec 5 pays. Ainsi, dès que tous les mécanismes d’implémentation sont mis en place, nous allons l’élargir à un plus grand nombre. Quand nous avons dit ça, nous avons enregistré une demande très forte que ce que nous avions prévu. C’est ainsi que nous sommes retrouvé à 14 pays. Avec lesquels nous avons commencé le projet. Qui est de travailler avec toutes les institutions du pays, dans la transparence en temps réel et fournir ces données à toutes les entreprises des systèmes quasi-automatiques d’informations. Afin de mettre les africains au top des tops de l’information commerciale. Pour être membre de l’observatoire, nous voulons l’engagement du pays à contribuer activement. Aussi le pays doit être prêt et disposé à nous donner l’information.

Bamba Mafoumgbé,Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.( In Le Temps decembre 2019)

Légende photo : M. MONDHER MIMOUNI Chef de l’Intelligence commerciale au Cci. : « Il faut mettre les infrastructures en place pour booster le commerce en Afrique »

 

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