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jeudi 2 mai 2024
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Yacouba Dembélé ( Dg Aderiz)/ Réexportation du riz à partir de la Ci// « Le Nigeria a fermé sa frontière à cause du riz de Côte d'Ivoire(…) »

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Yacouba Dembélé ( Dg Aderiz)/ Réexportation du riz  à partir de la Ci//    « Le Nigeria a fermé sa frontière  à cause du riz de Côte d'Ivoire(…) »

 De  la  mise en œuvre  de la Stratégie nationale  de développement  de la riziculture( Sndr),  à la réexportation  du riz importé  vers les autres pays  de la Sous- région, M.  Yacouba Dembélé, Dg de l’Agence de développement de la filière riz( Aderiz)  à la faveur  du Sara 2019 a fait des révélations… Interview
 Toute à l’heure, vous  n'avez pas évoqué l'alternative du protectionnisme comme cadre pour développer la filière rizicole, comme le fait le Nigeria ? Or, le prix du riz vietnamien est très faible... C'est la fuite en avant ?
En Afrique, vous avez deux pays qui s'aiment bien, qui se regardent, mais qui ont deux dispositions tout à fait différentes : c'est le Sénégal et la Côte d'Ivoire. Le Sénégal a un marché du riz protégé : si vous importez  X quantité de riz, on vous demande de commercialiser  X quantités de riz local. En Côte d'Ivoire, nous avons choisi le libéralisme total.  Car, d'une manière ou d'autre autre, une protection vous rattrape tôt ou tard. Il vaut mieux être dans les difficultés maintenant et trouver les solutions, augmenter la productivité, mettre en place des systèmes innovants pour que notre riz soit compétitif au même titre que les petits producteurs thaïlandais.  C'est très important pour nous. L'autre avantage que nous avons est que l'ivoirien aime le riz produit chez lui. Au Sénégal, ils ont du riz brisé, c'est-à-dire qu'il faut produire, puis retravailler le riz pour le casser. L'Ivoirien, quant à lui, aime le riz de  saison, le riz qui est mou, le riz qui sent bon et le riz qui après deux heures de préparation reste encore mou et peut donc être consommé bien après avoir été préparé. Des enquêtes distinctes sur l'ensemble  du marché ivoirien ont été conduites et sont arrivées aux mêmes conclusions : le premier riz apprécié des Ivoiriens est une variété locale. Le riz importé n'est arrivé qu'en quatrième position. C'est un atout pour nous. A nous maintenant d'envahir le marché avec ce riz qui est aimé des Ivoiriens à un prix compétitif. Mais si on regarde les autres filières, notamment le cacao, on se rend compte que même après des années d'une très belle performance ivoirienne, le cacaoculteur n'arrive pas à trouver son compte. D'où toutes les mesures qui sont prises ces derniers mois.
 
 Cette course en avant pour atteindre un riz à un prix très compétitif face au riz importé permettra peut-être d'atteindre l'autosuffisance, de parvenir à de très bons rendements, mais le riziculteur va-t-il gagner sa vie ?
 
C'est une des directives de l'Etat. L'Etat nous dit  que même si vous parvenez à l'autosuffisance, si  le paddy ne s'achète pas à un prix rémunérateur pour le producteur, je ne suis pas d'accord avec vous. On nous demande simultanément un riz de bonne qualité et en quantité, rémunérateur pour le producteur et dont le prix est accessible aux ménages ivoiriens. Nous sommes encadrés par ça.
 
  Est-il vrai que vous produisez du riz en Côte d’Ivoire sans marge ?
 
 Quand   nous avons rassemblé tous les acteurs, nous nous sommes rendu compte que nous produisons, sans marge, un riz à  289 Fcfa le Kg.   Or, le riz sur le marché est à environ 400 Fcfa/Kg.   Ensuite,  nous nous sommes  dits : à quel autre riz pouvons-nous comparer le nôtre ? Au riz semi-luxe. Or, il existe au moins six variétés  de riz semi-luxe sur le marché (il y a le luxe, le semi-luxe, etc.). Le luxe représente 2% du marché, le semi-luxe 80% et le riz bas de gamme 18%.  Donc, nous  avons voulu  nous comparer au riz importé de même valeur. En ce faisant, on passerait de  289 à 400 Fcfa.  Mais nous avons voulu nous arrêter à 370  Fcfa. Car, rappelons que le prix de  289 Fcfa/kg  est un prix de riz brut, sans marge. Donc c'est une marge sur laquelle on peut jouer à tout moment, qu'on peut répartir entre les acteurs. On a même mis de l'argent de côté pour les questions de semences, etc.   Nous avons  a vraiment une bonne marge parce qu'un de nos objectifs est d'aller vers la productivité, que chaque maillon de la filière fasse de la compression de charges pour avoir des marges suffisantes. Pour  prendre l’exemple  sur la filière palmier à huile que je connais bien, pour y avoir travaillé,  on  produisait la tonne à  350 de Fcfa /Kg, en Malaisie ils étaient à 275 de Fcfa kg.  Quand la  crise est arrivée, elle a touché tout le monde, même les malaisiens. Les malaisiens ont tout arrêté. Mais deux ans après, ils ont continué à produire car ils se sont dit  que c'était la concurrence,  le marché international. Il faut produire à un niveau auquel le marché international ne va jamais venir. En fait, c'est ça notre objectif  et c'est comme ça qu'on peut réussir dans le village planétaire.
 
Les autorités poursuivent une politique de libéralisation depuis plusieurs années maintenant. Or, depuis 2015, la production stagne. Peut-on parler d'échec de cette politique ?
La stagnation vient de l'accès aux financements (Voir  encadré).  Il y a deux types de financements : les investissements qui sont réservés à l'Etat et tout ce qui est exploitation, et là on n'a pas besoin de l'Etat. On a trouvé la solution avec la mise en place de la contractualisation et un financement aligné. La première année, on a fait  690 millions  de Fcfa de crédit  avec 100% de remboursement.   Le  paysan qui a besoin d'engrais, va voir un prestataire de service qui lui fournit une facture pro forma qu'il envoie à la structure de micro-crédit.  De suite, le compte du débiteur est débité pour créditer le compte du prestataire. A la récolte, quand le paysan vend à un usinier, ce dernier lui fait un bon que le paysan remettra à la banque. Aussi,  tout le monde est dans la même banque qui créditera le compte du producteur et débitera le compte du transformateur.  Bref, nous avons mis   en place un système aligné. Ce sont nos amis japonais qui nous soutiennent  et ils nous ont dit que ça marchait et de l'essayer. Et ça marche. Aujourd'hui, certains sont prêts à nous créer notre fonds de refinancement. C'est ce qu'il nous manque. Il faut que les gens sachent se débrouiller sans recourir à l'Etat ou à d'autres. En fait, c'est notre bataille. Mais ça va être dur,  nous sommes  d'accords.
 
 Au  niveau mondial,  les Etats-Unis, l'Ue, la Chine, maintenant le Nigeria, tout le monde a pratiqué une politique protectionniste en matière agricole...
 Le Nigeria a fermé sa frontière principalement à cause du riz de Côte d'Ivoire. Parce que le riz  qui est  importé est réexporté. Donc ce n'est pas un riz Cedeao.   Mais il n'est pas produit en Côte d'Ivoire, il n'y fait que transiter. Il est reconditionné en Côte d'Ivoire. C'est ça le problème du Nigeria. J'y suis allé plusieurs fois et ils nous ont bien attrapés, nous de Côte d'Ivoire, du Liberia, du Togo, du Bénin...ils ne veulent pas nous voir ! Mais ce n'est pas nous, ce sont les opérateurs privés, les commerçants ivoiriens qui ont acheté ce riz. Nous devons   aller ensemble pour solutionner ce problème. Nous, nous sommes faibles. On nous dit qu'il ne faut pas de subvention dans l'agriculture, mais il en faut.  Au Sénégal, le gouvernement est derrière. Nous, on a demandé un fonds de garantie ; on n'a rien eu. Au Sénégal,  ils ont donné  8 milliards de fcfa
Mais qu'est-ce qui freine ?
 Nous étions à une réunion de l'Uemoa et  nous leur avons  demandé  de mettre en place une politique sous-régionale. Car  nous  sommes   rendu compte que si chacun va à l'autosuffisance, que va-t-il se passer? Où allons-nous envoyer notre riz ? Qui va exporter où? Il faut qu'on mette en place une politique sous-régionale dans laquelle c'est l'ensemble de la sous-région qui va à l’autosuffisance. Les Africains sont d'accord sur tout sauf s'entraider !  Nous sommes   en train de forcer les gouvernements pour qu'on y arrive. Le Mali, par exemple, a  un million de terres irrigables donc il y a des Ivoiriens qui peuvent faire du riz et s'installer là-bas. Nous, nous sommes en train d'installer 7 centres de conditionnement de semences et nous  avons pensé à eux.  Parmi les 7 centres, celui de Korhogo produit pour la région de Korhogo mais est destiné  à produire la semence pour el Mali. Celui de Man est pour la région de Man et aussi pour le Liberia. Celui de Djenné, pour la région de Djenné et  pour la Guinée. Car déjà, ces pays - là viennent prendre la semence chez nous. Donc nous nous préparons déjà à cette demande sous-régionale.
  Bamba Mafoumgbé,Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
 Légende photo :  Yacouba Dembelé, (Dg de l’Aderiz) «  Nous avons  demandé  un fonds de garantie, nous n’ avons rien eu… »
 
 Encadré :
 Des risques d’insécurité alimentaire demeurent…
M. Apporture Kouakou, est le   directeur de cabinet du  ministre de la promotion de la riziculture. A la  faveur d’un panel  sur la relance de la riziculture en  Côte d’Ivoire  dispose d’1,5 million d’hectares de terres cultivables, des ressources en eaux abondantes et un environnement macro-économique et institutionnel satisfaisant.   C’est bien  pour mieux  titrer profit de    ces atouts,  qu’  en février 2012, le gouvernement  a  lancé  la Stratégie nationale de développement de la riziculture( Sndr).  Il  a saisi l’occasion pour présenter les acquis  de   Selon lui,  « La production de riz est en hausse en Côte d’Ivoire passant de 984 000 tonnes en 2012 à 1,3millions de riz blanchi en 2018 ».Toutefois dira-t-il. Avant  d’ajouter  que  « malgré ces résultats encourageants, des risques d’insécurité alimentaire demeurent,  au niveau de la consommation du riz,  les modifications  de la qualité du riz, la commercialisation et la stagnation de la production ivoirienne ces 5 dernières années est de nature à accroitre ses risques ». Des défis majeurs restent à relever pour un développement  durable de la filière. Citons  le faible taux de superficie,  la maitrise de l’eau, la maitrise de la variabilité des phénomènes climatiques, le problème des semences  améliorées et autres intrants, faible niveau de mécanisation, l’absence d’un mécanisme de régulation, faible promotion du riz ivoirien.  M. Kouakou  Apporture  ajoutera  que  « des actions d’envergure s’imposent pour asseoir une agriculture moderne, rentable et durable. Mais cela suppose une politique volontariste de la maitrise de l’eau, ainsi que la réhabilitation des infrastructures existantes, une promotion d’un dispositif d’irrigation moderne, accessible financièrement, avec des semences améliorées, résilientes et conformes, développer la mécanisation avec la prestation des professionnels disposant d’u matériel de qualité. C’est pourquoi, un accent particulier sera mis sur la chaine de valeur, les capacités de transformations et d’accès au marché. Cela suppose l’implication d’un secteur privé dynamique résolument engagé vers le développement de la filière riz en Côte d’Ivoire ».  Pour Marc Desenfants, Dg de Solevo et initiateur de la conférence- débat, a pour  sa part  dit : « L’objectif de cette rencontre est de susciter le débat sur les défis à relever dans la filière riz pour aller vers l’autosuffisance en riz, trouver des pistes de valorisation des différents maillons de la chaîne de valeur et construire une croissance pérenne et durable car l’objectif de la Cote d’Ivoire est d’être auto-suffisant en riz ».Belle occasion  également pour  ses collaborateurs   de présenter le projet en cours dans la partie nord  de la Côte d’Ivoire en matière de riziculture.  En effet,  la du   Région du Poro  dispose d’un bassin de 100 000 hectares de cultures rizicoles mais seulement 17 000 structurés. Le projet prend en compte 950 agriculteurs réunis en 40 coopératives en les rendant compétitives et en leur favorisant l’accès à des intrants.  
Bamba M.( In Le Temps du  vendredi 06 décembre 19)
 Légende photo   La Côte d’Ivoire dispose de plus de 1,5  million d’hectares   de terre cultivable

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