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jeudi 28 mars 2024
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Reportage /Mendicité et exploitation des enfants// Dans le quotidien des enfants Talibé d’Abobo

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Reportage /Mendicité et exploitation des enfants//  Dans le quotidien des enfants Talibé  d’Abobo

Le phénomène des enfants mendiants communément appelés enfants talibé prend de l’ampleur dans le District d’Abidjan.. Reportage dans le quotidien de ceux d’Abobo. Où des fondateurs d’écoles confessionnelles islamiques donnent leurs recettes de lutte le fléau…

 

Ce Vendredi 15 mars 2019. Il est 8heures 05. Nous sommes dans les environs de l’école primaire privée Institut Han du Sous quartier d’Abobo- Dokoui. Comme chaque matin, des parents vont été reviennent d’accompagner leurs enfants qui reçoivent dans cette école, des cours de la maternelle au Cours moyen2,(Cm2). A notre sortie, nous sommes accostés par des enfants dont l’âge varie entre 7 et 10 ans. Le plus grand dit se prénommer Allassane. Le visage crasseux, les mains couvertes de gale, tous tiennent en main, un Walaha, une sorte d’ardoise traditionnelle utilisée dans les écoles coraniques. Sur ces supports en bois, sont griffonnées des écritures arabes que nous ne pouvons décoder. A eux, nous remettons quelques jetons. Soudain, Allassane, le plus âgé de la bande, les remis au plus corpulent d’entre eux qui tenait très bien en main des billets de banques craquants. Du coup, dans une symphonie, ils se mettent à réciter pour notre équipe de reportage, des versets coraniques non sans terminer le reste en malinké :«Allah isso, Alladémballo (…) » Traduction : « Que dieu vous en donnent plus et que vos enfants grandissent bien(…)» Il est 8heures 20mn. Allassane et ses autres petits camarades ne sont pas prêts à nous lâcher. Ces touts petits, pardon ces enfants Talibés, (Les Talibé se promènent toujours avec leur petite boîte de conserve ou bassine qu'ils tendent à tous les passants. c'est un disciple ou un élève qui apprend le coran. Ces garçons ont entre trois et quatorze ans.) qui n’ont certainement pas eu la chance d’aller à l’école occidentale sont bien organisés. Tous les jeudis et vendredis matin, ils arpentent certaines ruelles d’Abobo, pour faire la manche. Alorsqu’ils continuent de psalmodier les versets coraniques dont eux seuls connaissent la signification et la portée, nous nous décidons de voir de près, « l’ardoise » de l’un d’entre eux. Nous y trouvons soigneusement écrit un contact téléphonique que nous n’aurons pas la chance de prendre. L’un d’entre eux qui suivait nos faits et gestes, a eu le temps de le cacher et donner l’alerte aux autres à décamper. Mais c’est le contact de qui ? De leurs parents ou de leur école coranique ? Nous ne pouvons en dire plus. Nous décidons alors de creuser plus, pour repérer ‘le gros singe’ qui, sous le couvert de la religion, se cache derrière cette autre forme de mendicité pour ne pas dire exploitation des enfants. Alors question de savoir vous venez d’où ? Le chef du groupe qui ne comprend pas français demande à un autre : « Akodi(…) » ? et Sinaly( Non d’emprunt) me répond : « Ecole coranique Abobo Sans Manqué. On vient ici tous les jeudi et les vendredi » Rendez- vous est donc pris le jeudi suivant. C’est –à dire le jeudi 21 mars 2019 et il est 8 heures. Nous voici au carrefour ‘ premier feu’ du Dokui ; un autre repère d’Alassane et ses autres camarades Talibé. .

Quand les enfants talibé nous font faux bond.

Ce matin, nous n’avons pas de chance. Mais diantre où sont t-ils entrés ? Malgré le rendez-vous manqué, nous ne démordons pas. Il est 09 heures, nous retournons à notre base ; la Rédaction. En échangeant avec T. Tahirou, le vigile de service, sur le sujet, celui-ci nous apprendra que pour les retrouver, il faut aller Abobo Samaké, précisément au « carrefour les 3 cocotiers ».Et T. Tahirou de nous donner plus de détails sur la localisation de l’école Coranique tenue par Sarba. Qui tient non loin dudit carrefour, une école coranique. « Une fois au carrefour les 3 cocotiers, il faudra demander après Sarba. Quelqu’un va t’amener jusqu’à lui »nous apprendra T. Tahirou. Après quelques mois de replis stratégique, nous remettons le cœur à l’ouvrage pour ce mois de juillet 2019. Après avoir glané quelques petites précisions, nous voici à l’Institut Islamique Cheick Issa Sarba. Il est 9 heures ce vendredi 05 juillet 2019, une fine pluie arrose le sous quartier Samaké. Après des renseignements, nous voici non loin de notre objectif. Des garnements en uniforme violet et sac à dos nous indiquent bien que nous ne sommes pas loin de notre objectif. Devant nous, une ruelle dégradée et très boueuse. Nous sommes bien dans ‘le vieux Abobo’. Ici et là, les élèves de cette école s’activent à préparer le site qui va accueillir la grande prière du vendredi dans une cours avec une bâtisse peinte en vert et très propre. Notre interlocuteur, un sexagénaire habillé en boubou blanc et aux cheveux grisonnants va nous introduire chez l’Imam Sarba Lamine. Après les salamalek, l’Imam Sarba Lamine nous dira : « Ici c’est la zaouïa mère ( Mosquée des Tidjanie) qui fait partie de l’Institut islamique Cheick Issa Sarba d’Abobo Samaké. Du nom Feu Cheick issa Sarba, l’un de nos premiers responsables arrivés avant 1960 en Côte d’Ivoire. L’institut était d’abord implanté à Adjamé et par la suite, il a été implanté sur le site actuel. Si vous voulez en savoir davantage, nous vous demandons de repasser demain samedi 06 juillet 2019. Pour que nous puissions vous introduire après de notre grand Cheick Abdoul Aziz Sarba. Lui, pourra vous en parler davantage et vous donner notre position sur le phénomène de la mendicité » En chemin pour le rendez-vous, nous décidons de marquer une halte, prendre quelques baignés de maïs et échanger avec des riverains de cette école. La vendeuse qui s’ouvre à nous, nous dira : « Ces enfants dont vous parlez, ne sont pas de l’école de Sarba. Allez voir un peu plus loin, il y a une école où on fait le Dougoumakalan( apprentissage du coran à domicile(…) où les élèves utilisent les walaha(…) » Nous maintenons le cap sur notre rendez-vous comme prévu à 8heures 00 ce samedi 06 juillet 2019. Une fois sur place, notre guide va nous présenter au Cheick Abdoul Aziz Sarba, un monsieur à forte corpulence qui parait vivre dans une aisance apparente. Il nous reçoit dans un petit bureau propre climatisé, bien meublé de fauteuils modestes et soigneusement bien placé. Avec un sol couvert de tapis riche. En quelques mots, le Cheick nous donne rendez-vous à nouveau à l’Ecole privé confessionnel Halil Ibrahim( l’une des écoles du institut) située au sous quartier Pk 18, à la lisière de la Forêt du Banco. Ici et ce jour, il y a fête. Les pensionnaires qui suivent le programme scolaire ivoirien et des cours en arabe reçoivent leurs bulletins de notes et des prix pour les meilleurs avant de partir en vacances. Pourquoi après l’enseignement unique de l’Arabe, dans les écoles privées confessionnelles de l’Institut islamique Check Issa Sarba, le fondateur a décidé de mettre le cap sur l’ouverture sur le programme scolaire ivoirien ? Seul fondateur de cette école peut nous en dire plus. ( Voir encadré 1) Mais où se cachent les enfants talibé dont nous avons perdu les traces ? Nous continuons de nous interroger(…) Mais une chose est certaine, les enfants Talibé existent bien aussi bien à Abobo que dans bien localités de la Côte d’Ivoire. Dans certaines localités du nord de la Côte d’Ivoire, notamment à Korhogo, le phénomène a encore de beaux jours devant lui. Selon le confrère Doumbia Mamadou, dit Doumbess, journaliste et expert sur la question d’exploitation et la traite des enfants, « ces enfants sont ténus et exploité par des personnes tapis dans l’ombre. Qui exploitent ces enfants à travers une forme de mendicité qui ne dit pas son nom. Il faut dénoncer ce genre de pratique transfrontalière contre laquelle, il est difficile de lutter… » ( Voir encadré 2)

Bamba Mafoumgbé,Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.( In Lginfos du 9 juillet 19)

Légende photo : le phénomène des enfants talibé a encore de beaux jours devant lui dans certaines localités de la Côte d’Ivoire (voir photo dans yacou, sekou, Eric Pkassou)

Encadré 1 : L’enseignement général de base, une recette contre le phénomène des petits mendiants

Depuis quelques années, plusieurs établissements privés confessionnels dans le District d’Abidjan et à l’intérieur du pays ont décidé de s’ouvrir sur l’enseignement de la langue arabe et le programme éducatif ivoirien. Avec un système d’encadrement bien structuré. Ici les élèves ont la chance d’apprendre en plus donc de l’Arabe, le français. A Abobo, une des communes les plus populeuses du District d’Abidjan, où le phénomène de la mendicité (enfants mendiants) a encore de beau jour devant lui, les écoles coraniques de types anciens n’ont certes pas disparu, mais des fondateurs ont mis le cap sur la modernisation du contenu de l’enseignement, avec une forte dose de social. Ce pour aider les économiquement faibles à aller à l’école. Entre autres école privées confessionnelles citons celles de l’Institut islamique Cheick Issa Sarba. Qui dispose d’une école avec environ 1000élèves qui suivent les cours franco-arabe. Les pensionnaires sont rigoureusement encadrés et suivis. Pas question de les laisser aller s’adonner à la mendicité dans les rues. En plus, le groupe s’est enrichi deux autres écoles : Le Groupe scolaire Osman Nuri Topbas et l’Epc Halil Ibrahim avec un programme d’enseignement général reconnu par l’Etat ivoirien et qui donne davantage de chances aux apprenants de pouvoir s’insérer la vie active. Le Cheick Adoul Aziz Sarba a qui nous avons pu arracher un mot sur le phénomène des petits mendiants est formel quand il dit : « Depuis bien longtemps, notre institut a décidé de de faire la promotion de l’Islam mais aussi de lutter contre la pauvreté. C’est pourquoi à travers l’Ong Assab, nous offrons des prises en charges aux orphelins qui sont dans nos écoles. Ceci pour leur donner la chance de pouvoir poursuivre le cursus scolaire sans encombre. S’agissant du phénomène des petits mendiants qu’on trouve dans les rues, il faut le combattre et la meilleure façon de lutter contre, c’est de mettre les enseignants dans les meilleurs conditions de travail avec bon traitement, pour qu’ils puissent s’investir davantage dans le renforcement de l’encadrement des enfants. A qui, ils donneraient ainsi, une bonne formation de base. Nous mettons un point d’honneur sur ce volet de notre stratégie d’encadrement et de formation »

Bamba M.

Encadré2 : Un autre phénomène transnational qu’il faut combattre…

Dans la partie nord de la Côte d’Ivoire, notamment à Korhogo, le phénomène des talibés est très visible dans la ville. Selon des habitants de cette ville interrogés par des correspondants locaux de presse, « ces tout-petits vivent et apprennent à lire le coran, dans des conditions difficiles. Les maîtres dorment dans des chambres et les enfants s'entassent au salon. Nous leur avons promis quelques pièces d'argent avant qu’ils n’acceptent de nous parler » Selon ce que ces confrères nous ont rapporté, des enfants rencontrés à Korhogo ont dit qu’ils sont venus d’Abidjan « C'est mon petit frère. Nous sommes venus d'Abidjan. C'est notre père qui nous a envoyés à Korhogo pour faire « Dougoumankala » (pour suivre l'enseignement coranique à domicile) »(…) Leurs parents les ont envoyés dans cette localité pour la même raison. A la question de savoir qui est leur maître, Abou redevint silencieux, se contentant d'indiquer de la main qu'ils sont au quartier résidentiel 2. Ils sont tous Maliens. Que faire pour aussi bien lutter ou défaut contenir autre phénomène transnational qui est devenu au fil des années, un véritable serpent de mer aux contours flous ? En Côte d’Ivoire, le gouvernement a décidé de ne pas rester inactif. Dans le cadre de sa politique de protection de l’enfant et pour une meilleure prise en charge des enfants vulnérables, le Ministère de la Femme, de la Protection de l’Enfant et de la Solidarité a mis en place un programme. Il s’agit du Programme de protection des enfants et adolescents vulnérables, (Ppea). En collaboration avec la représentation ivoirienne de l’Unicef. En mars 2017, à Korhogo, un atelier de renforcement de capacités et de sensibilisation en matière de protection des enfants talibés. Cet atelier a rassemblé les travailleurs sociaux, les acteurs et les intervenants communautaires de la protection de l’enfant des régions du Poro, de la Bagoué, du Tchologo et du Hambol. Il visait à accroitre les compétences des travailleurs sociaux et animateurs communautaires dans la prévention des risques auxquels sont exposés les enfants talibés. Ainsi, il a été préconisé entre autres : La sensibilisation des familles et des maîtres coraniques aux droits fondamentaux de l’enfant, principalement celui d’aller à l’école. L’association enseignement coranique et formation professionnelle pour assurer l’avenir des talibés. Une action conjointe de la police et la justice pour lutter contre la mendicité des enfants et exiger de bonnes conditions matérielles et sanitaires des écoles talibés. Par ailleurs, une étude réalisée sur les enfants Talibés et les écoles coraniques propose des mesures à mettre en œuvre pour réduire l’exploitation et les abus que subit cette catégorie d’enfants dans ce système scolaire informel en Côte d’Ivoire. Les résultats et recommandations de l’étude conduite par les Ong Interpeace et Indigo Côte d’Ivoire, avec l’appui de l’Unicef, à la demande du ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, ont été restitués, il y a quelques années à Bouaké et qui a mis en exergue les enjeux et les perspectives du phénomène. L’Etat doit faciliter l’accès des enfants «Talibés» à l’enseignement général, assurer leur protection contre les différentes formes de violences. Par ailleurs, au Sénégal, des Ong continuent de donner de la voix. Dans un rapport publié en juin 2019, des Organisations non gouvernementales( Ong) ont dépeint les conditions de vie difficile des talibés. Au Sénégal, un rapport publié courant juin 2019 par une plate-forme d’Ong montre qu’il s’agit d’un fléau transnational. Entre autres Ong ayant participé à la production dudit rapport, citons l’organisation britannique Human right watch et la Plateforme pour la promotion et la protection des droits humains (Ppdh).Constitué d’un réseau d’Ong sénégalaises, ont publié un rapport intitulé « Sénégal, des abus incontrôlés dans des écoles coraniques ». Selon ce document de 81 pages, 100.000 enfants talibés, élèves et pensionnaires des écoles coraniques vivant dans des daaras (écoles coraniques) à travers le Sénégal sont contraints par leurs marabouts à la mendicité. Pire, ils subissent des abus de toute sorte, note le rapport qui décompte « dans 8 des 14 régions du Sénégal, [dont] 61 cas de passages à tabac ou d’abus physiques, 15 cas de viols, tentatives de viols ou abus sexuels, 14 cas d’enfants séquestrés, attachés ou enchaînés dans des daaras, et un recours généralisé à la mendicité forcée ». Pour rédiger ce document, les Ong ont mené plus de 150 interviews, dont celles de 88 « talibés » ou anciens « talibés », de 23 maîtres coraniques et de travailleurs sociaux, experts et responsables gouvernementaux. Contrairement à ce que prétextent les marabouts de ces écoles coraniques, la pratique de la mendicité et comme les mauvais traitements infligés aux enfants ne sont pas recommandées par l’islam, soulignent des responsables musulmans. « L’islam enseigne que la mendicité des enfants est à bannir. L’enfant doit être pris en charge par ses parents. C’est dans ce cadre que le prophète Mohammed disait, quand il était à Médine, qu’il était le tuteur de tout enfant qui n’a pas de parents dans la ville », explique Mouhamadou Kanté, imam de la mosquée de Point E, à Dakar. Il y a 16.800 écoles coraniques et près de 2 millions d’enfants « talibés » au Sénégal. Mamadou Wone, coordonnateur de la Plateforme pour la promotion et la protection des droits humains, co-signataire du rapport indiqué plus haut, s’insurge contre ce qu’il qualifie de « pur trafic et d’exploitation d’enfants par des gens qui se cachent derrière la religion ». « C’est une mafia qui profite de notre religiosité pour soutirer facilement de l’argent, faire travailler des enfants, sans aucun contrôle social », relève ce sociologue de formation, par ailleurs ancien fonctionnaire de l’Unicef. À ses yeux, cette brèche dans laquelle s’engouffrent certains marabouts est liée au fait que les sénégalais donnent beaucoup d’argent en guise d’aumône pour des pratiques mystiques. « Il y a une sorte de syncrétisme entre la foi religieuse et les pratiques mystiques avec l’aide des charlatans », explique-t-il encore. Selon lui, il existe même des réseaux criminels de trafic d’enfants issus du Sénégal mais aussi des pays limitrophes comme la Guinée-Bissau. Une loi datant de 2005, et jusque-là inappliquée, prévoit 2 à 5 ans de prison et une amende pouvant aller jusqu’à 500.000 francs Fca pour ceux qui pousseraient des enfants à la mendicité.

Bamba M.
( In Lginfos 9 juillet 19

 

 

 

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