Il n’est pas faux de dire que la Côte d’Ivoire, depuis quelques années, est entrée dans une sorte d’engrenage de surendettement. Même si les autorités ivoiriennes disent régulièrement qu’il « s’agit d’un endettement intelligent et soutenable », avec un taux qui est passé de 46 à 48% sur une norme source sous régionale de 70% ( Uemoa). Si l’on tient compte de la dernière déclaration de M. Amadou Gon, Premier ministre, ministre du Budget et du portefeuille de l’Etat, le 13 avril 2019, lors d’une séance de travail avec le tout nouveau président de la Banque mondiale, M. David Malpass, en marge des Assemblées de Printemps des institutions de Bretton woods Fonds à Washington. S’agissant de l’évolution fulgurante du niveau de la dette ivoirienne ces dernières années, Abraham Agnekpo économiste et expert financier à Abidjan nous apprend que« La dette publique est vertigineusement, et allègrement passée, sous la gouvernance Ouattara, d’environ 6156,5 milliards de Fcfa en 2012 à environ 12730 milliards de Fcfa en 2018 (source rapport de la 8ème revue page 21 et rapport 17/372 de décembre 2017 du Fmi) soit plus de cinq (5) fois le budget global de l’Etat de Côte d’Ivoire en 2010. Cette dette publique s’est accrue, irrationnellement de +106,77% (sources rapport de la 8ème revue page 21 et rapport n° 17/372 page 24 du Fmi) entre 2012 et 2018 » Que le gouvernement nous dise que la Côte d’Ivoire s’est engagée dans un schéma d’endettement intelligent certes mais , il ne faudrait pas oublier que la Côte d’Ivoire qui s’est retrouvée avec un taux d’endettement de 36% est remontée à environ 46% puis 48% à ce jour comme indiqué plus haut. Soit ! « Si prendre crédit est doux, au moment de payer c’est souvent difficile. Surtout qu’il va falloir tenir compte des cours du dollar et la facture risque très amère » Fait noter notre économique et expert financier. La Côte d’Ivoire a terminé l’année budgétaire 2014, avec une dette globale de 7804 milliards deFcfa. Si l’on ajoute donc les 500 milliards de l’Eurobonds de Février 2015, la dette ivoirienne tournait autour de 8304 milliards de Fcfa au moins en début d’année2015. Par définition, un Eurobond ou euro-obligation est un titre de créance libellé dans une monnaie différente de celle du pays de l'émetteur. Avec les Eurobonds 2017 et 2018, la dette ivoirienne à certaine encore pris du poids et elle ne cessera de prendre du volume. Il est à préciser que L’Eurobond de début juin 2017 situe la dette de la Côte d’Ivoire plus de 41,9%. Quand sa dette représente 70% de son produit intérieur brut (Pib), selon la norme établie par l’Union économique monétaire ouest africaine (Uemoa) tandis que sur le plan international, le seuil se situe à 49%. Donc bien en-deçà du taux d’endettement communautaire. Ne faudrait-il aller à pas modérés dans la course à l’endettement ? Depuis quelques années, l’Etat de Côte d’Ivoire est entrée dans une course à la mobilisation des ressources sur le marché international à travers les Eurobonds dont les taux d’intérêts et le niveau des stocks se chiffrent en moins de cinq ans, à plus de 4 mille milliards de Fcfa. Faut-il craindre un endettement massif de la Côte d’Ivoire ? Rappelons qu’ après, 2014, 2015 et 2017, la Côte d’Ivoire est repartie en mars 2018, sur le marché international, pour mobiliser des ressources en Euros. Soit pour la quatrième fois sous le Régime de Ouattara. Ces Eurobonds lui ont permis de non seulement tester la qualité de sa signature mais aussi de récolter d’importantes ressources. Pour l’ année 2018, l’Etat de Côte d’Ivoire recherchait 1 310 milliards Fcfa, soit près de 2 milliards d’euros, sur les marchés financiers pour boucler son budget qui s’équilibre en ressources et en charges à plus de 6 756 mille milliards de Fcfa, en hausse de 4,8% par rapport au budget révisé de 2017, d’un montant de plus de 6 447 milliard de Fcfa Fcfa. Si le gouvernement ivoirien a eu de réels motifs de jubiler face au succès rencontrer durant les différentes sorties, il est à faire remarquer que le compteur à ce niveau là commence à tourner très fort et la pullule risque d’être amère, le temps de remboursement arrivé pour nos enfants. Surtout que les taux d’intérêts appliqués à la Côte d’Ivoire diffèrent dans bien de cas de ceux appliqués en la matière en Occident. Ces Eurobonds à taux élevés qui risquent de faire mal Rappel des faits : Sous Kablan Duncan alors Premier ministre, le deuxième emprunt obligataire sur le marché financier international, a permis de lever 1 milliard de Dollars , soit près de 500 milliards de Fcfa( Eurobonds 2015) au taux d’intérêt de 6, 25% contre de 375 milliards de Fcfa au taux d’intérêt de 5,375%( Eurobonds 2014), pour une durée de dix ans courant aout 2015. Au titre de l’Eurobond 2017 donc avec Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre , ministre du Budget et du Portefeuille de l’Etat, l’opération a permis de lever 1 milliard 250 millions de dollars et 625 millions d’euros (environ 1.140 milliards de Francs Ccfa), à des maturités de respectivement 16 et 8 ans. Son objectif était de recourir aux places financières internationales, afin d’obtenir des ressources devant venir en appui au financement du budget de l’Etat et notamment du Plan National de Développement (Pnd) 2016-2020. Dans une déclaration faite le 13 juin 2017, à l’occasion de son retour d’une mission de mobilisation de ressources (Eurobond 2017) le Premier ministre ivoirien Amadou Gon Coulibaly a indiqué que le succès de l’opération est le témoignage de la confiance des marchés financiers internationaux dans le leadership du Président de la République Alassane Ouattara et dans la vision qu’il a pour le développement de la Côte d’Ivoire. Malheureusement, pour l’Eurobond 2018, Agc et sa délégation sont rentrés sans tambour ni trompette. Pourquoi ce silence bruissant de parole ? Qu’est-ce qui a pu se passer pour qu’on serve à la Côte d’Ivoire bien évidemment du « blé en abondance » ( argent) mais à un taux oscillant entre 5,50 et 5,625% pour première tranche , d’une maturité de 11 ans allant jusqu’en 2030. Pendant que pour la deuxième tranche, La seconde tranche, elle, d’une durée de 29 ans, soit jusqu’en 2048, est proposé avec un rendement de 6,875 – 7%. Cette tranche est présentée par la presse économique internationale comme la plus longue maturité jamais émise pour une obligation en Euro par un pays d’Afrique subsaharienne et l’une des plus « rentables » émises par un Etat au cours de ces dernières années. Pourquoi avoir accepté un tel taux ? Disons- le clairement le taux risque pays appliqué à la Côte d’Ivoire, est élevé. C’est à se demander si à la prochaine émission nous n’allons pas frôler les 8% sur 14 ans. Pour le Professeur Mamadou Koulibaly de l’Université Felix Houphouet Boigny de Cocody qui s’était prononcé sur la question dans la mouvance de l’Eurobond 2018 émis par la Côte d’Ivoire avait expliqué : « Et pourtant, ici en Côte d’Ivoire, on nous dit que tout va pour le mieux, il y a de la croissance mais les populations sont de plus en plus pauvres et le gouvernement retourne sur le marché international pour s’endetter à un taux d’intérêt supérieur au 1er Eurobond souscrit en 2014. De 5,375% la Côte d’Ivoire va s’endetter à 6,25%. Le risque-pays est très élevé. Aussi, il faut ajouter que cet autre prêt arrive au moment où l’Euro est dévalué tout comme le Fcfa par rapport au dollar. » A quelle sauce sera mangée la Côte d’Ivoire à l’heure du remboursement ? « Si le dollar est faible tant mieux pour la Côte d’Ivoire. Dans le cas contraire, c’est le fardeau de la dette qui va davantage s’alourdir(…) » ajoute t-il.La Côte d’Ivoire qui a vécu à un moment donné de son existence sur budget sécurisé peut-elle accepter un tel taux ? Comparativement au taux appliqué aux Eurobonds en Europe, soulignons que la Roumanie a en Février 2018, a mobilisé plus de 2 Milliards d’Euros soit 1310 milliards de Fcfa à des taux de 2,5% et 3,375% respectivement pour les deux tranches. Pour 2019, les ressources attendues des interventions de l’Etat sur les marchés monétaire et financier se situeraient à 1 418,8 milliards, dont 1 115 milliards de Fcfa au titre de l’Eurobond. Abidjan va-t-il encore s’endetter sur le marché international avec des taux d’intérêts aussi élevés ? Nous attendons de voir. En ce qui concerne les ressources des Comptes Spéciaux du Trésor, elles seraient collectées à hauteur de 657,0 milliards pour des prévisions de 638,1 milliards de Fcfa. La loi de finance 2019 indique que le budget d’Etat pour la gestion 2019 indique que le budget d’Etat 2019 s’équilibre en ressources et en charges à 7 334,3 milliards contre 6 756,3 milliards en 2018, soit une hausse de 8,6%.
Bamba Mafoumgbé( In Lginfos du 16 avril 2019) Légende photo : Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre, ministre du Budget et du portefeuille de l’Etat. Va lancer bientôt un autre Eurobond