Le reportage « « Cacao : des enfants pris au piège » de France 2, vient toucher du doigt la réalité de la traite des enfants dans l’agriculture, le commerce et le transports en Côte d’Ivoire.. Dossier Cela fait plus d’une semaine que l’information circule. La diffusion du reportage ou non « Cacao : des enfants pris au piège », un reportage de France 2, réalisé dans la zone de production cacaoyère ivoirienne, continue de faire des vagues dans le secteur du négoce international du cacao. Aux Etats unis d’Amérique( Usa), où l’on trouve de fortes communautés de consommateurs de chocolat pur fait à base de cacao bien fermenté, l’information relayée par l’équipe de reportage de France2 est très prise au sérieux dans ces communautés en question aux Usa. Pendant qu’en Côte d’Ivoire, l’exécutif, les services du Conseil du café-cacao( Ccc) et les experts du Comité National de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants (Cns), n’ont pas encore produit la moindre réaction pour apporter un démenti aux allégations contenu dans ce reportage disponible sur Youtube. Pour le peu que nous avons pu suivre sur les réseaux sociaux et les nouveaux médias, l’on se retrouve dès l’entame du film dans un salon d’exposition des produits à base de fèves de cacao ; principalement le chocolat. Industriels chocolatiers, commerçants, artisans chocolatiers et consommateurs de bon chocolat. Bref, chacun y trouve son compte. Puis, l’on se retrouve dans une petite salle, où une Ong dont le nom n’est pas indiqué, à travers une dame est en train d’entretenir une assistance composée d’enfants, d’hommes et de femmes apparemment des férus de bon crus de chocolat sur les pires formes du travail des enfants dans l’agriculture. Précisément dans la cacaoculture. Juchée sur un podium, on entend la jeune dame dire : « Si vous avez mangé du cacao dans ces 20 dernières années, vous avez mangé du travail des enfants de l’esclavage qui travaillent dans les pires formes du travail des enfants, C’est-à-dire des produits chimiques très dangereux, les machettes et des poids très lourds » . Puis cap, sur la Côte d’Ivoire, puis de l’Afrique de l’Ouest où l’on produit 40% de la production mondiale. Direction, l’extrême ouest de la Côte d’Ivoire, où dans la forêt classée du Gouindebe( Guiglo) , où en principe il est interdit de produit de cultiver du cacao. Mais, comme dans un No man’s land, est produits 40% du cacao ivoirien. En chemin, l’équipe de reportage tombe sur des enfants dans une plantation de cacaoyer où des garnements parlant Moré( langue du Burkina Faso), atomiseurs au dos , en pleine application de produits phytosanitaires dans un champs de cacaoyer :Ce fameux produits s’appelle « tête rouge » ; à cause de la couleur du bouchon de la boite de l’herbicide en question. Le confrère, demande aux enfants s’ils connaissent réellement ce fameux produit. Le reporter va même jusqu’ à leur exhiber un dépliant en leur posant des questions sur le “glyphosate” : « Un herbicide dangereux probablement cancérogène selon l’Organisation mondiale de la Santé( Oms) et très agressif pour la forêt(…) » Ce que ne savait pas certainement ces enfants qui selon le commentateur sont très jeunes. « Convoyés par car depuis le Burkina Faso,‘ces enfants esclaves’ qui coûtent environ 200 mille Fcfa et cela fait plus de deux ans qu’ils n’ont pas encore revu leurs parents(…) » Dans son aventure et sur une piste très dégradée, l’équipe de reportage en question tombe sur un barrage des dozo,( chasseurs traditionnels malinké ) « disent faire le travail de la police régalienne absente ». A eux, il faut payer des droits avant de passer. Mais comment ces enfants ont pu franchir les frontières ivoiriennes d’avec le Burkina Faso ? En Côte d’Ivoire l’exploitation des enfants interdite. Mieux, tout contrevenant est passible de sanctions sévères ( Voir encadré).« Cacao : des enfants pris au piège » : Un reportage qui touche du doigt certaines réalités de l’économie cacaoyère Mais qui avait intérêt à ce que ce reportage ne soit pas vu par les téléspectateurs de l’espace francophone ? Les grands négociants comme Cargill (cité nommément. ) qui achète du cacao pour le revendre à toutes les grandes marques de chocolats au monde ? Y a-t-il d’autres mains invisibles qui achètent le cacao sortie de la forêt classée du Guoindébé ? Le Burkina Faso dont les ressortissants résidents en Côte d’Ivoire travaillent dans la zone forestière ouest ivoirienne soit comme ouvriers agricoles soit exploitants en propre de grandes superficies de cacaoyers a - t-il un intérêt à faire censurer la diffusion « Cacao : des enfants pris au piège »? Nous n’en savons rien. Le reportage en question nous apprend aussi que des ressortissants de la communauté indexée « vendent leurs enfants pour travailler dans les plantations de cacao en Côte d'Ivoire sont mûs par la pauvreté ». Ce grand reportage a le mérite de montrer aux autorités ivoiriennes que malgré tout, nos frontières restent perméables. Malgré des efforts inestimables pour lutter contre les pires formes de travail des enfants, en Côte d’Ivoire avec un accent particulier sur la sensibilisation des parents à scolariser les enfants, du chemin reste à parcourir. Pour venir à bout d’un phénomène qui a la peau dure. A force d’arguments, la Côte d’Ivoire à travers des experts ivoiriens ont, il y a quelques années, fini par faire comprendre à des détracteurs de la Côte d’Ivoire que même si les pires formes de travail des enfants existent dans l’agriculture et qu’il faut lutter contre, « l’exploitation des petits esclaves dans la cacaoculture ivoirienne » n’existe pas. Il faut réactiver les canaux pour réaffirmer cela. ( Voir encadré 2)En attendant de trouver une réponse précise aux questionnements indiqués plus haut, il est bon d’indiqué que par an, l’industrie chocolatière vend en moyenne par an, 100 milliards de dollars soit plus de 50 mille milliards de Fcfa de chocolat par an. Là où le planteur ne gagne qu’un euro soit environ 655Fcfa par jour. Rappelons qu’il y a de cela environ deux ans, une chaine française avec le soutien d’une Ong opérant dans la protection de l’environnement a produit un grand documentaire sur la cacaoculture et la déforestation. Le rapport publié en septembre 2017 par l’Ong internationale « Mighty earth » intitulé « La déforestation amère du chocolat » Ledit rapport accablait les sociétés du secteur du chocolat d’être à la base de la déforestation en Côte d’Ivoire, mais aussi au Ghana, deux importants producteurs du cacao dans le monde. Selon sa directrice et de campagne, Etelle Higonnet, qui a bénéficié de la collaboration du coordonnateur du Regroupement des acteurs ivoiriens des droits humains (Raidh) lors de la conférence, de nombreux parcs nationaux et d’aires protégées du pays ont été défrichés au profit de la cacaoculture était arrivé à la conclusion que : « Le cacao est la première cause de la déforestation en Côte d’Ivoire. De 1990 à 2015, ce sont 85% de la forêt qui ont disparu » En pleine crise du cacao, les chocolatiers ont récolté plus de 1750 milliards de Fcfa. De l’avis d’un expert, « la grave zone de turbulences n’a pas été vécue de la même façon par les différents acteurs de la filière. Ainsi, entre 2015 et 2017, le prix moyen de la barre de chocolat est passé de 14,22 dollars,( soit plus de 7110 Fcfa) à 14,75 dollars( 7375 Fcfa)tandis que le prix du kilo de fèves de cacao payé au producteur a chuté en moyenne de 3,20 dollars ( soit plus 1600Fcfa à 2,01 dollars, ( soit 1005Fcfa) Cet écart a permis à l’industrie des produits du cacao et du chocolat d’engranger 3,5 milliards, soit 1750 milliards de Fcfa » Aussi curieux que cela puisse paraître, la diffusion ou non de ce reportage intervient au moment où les deux premiers producteurs africains de cacao : La Côte d’Ivoire sont en plein dans l’élaboration et le peaufinage d’une stratégie commune de mise à marché de leur cacao dont les cours ont subit depuis ces deux dernières campagne une chute d’environ 50% sur le marché mondial. Bamba Mafoumgbé,Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Légende photo : La place des enfants ne se trouve pas dans les plantations de cacaoyers. Pour le droit à l’image prière barrer le visage des enfants)
Encadré1 : Ce que dit la loi sur la pratique de la traite des enfants Mais c’est quoi au juste la traite des personnes ? M. Sigui Mokié Hyacinthe, alors Administrateur national de Programme au Bureau International du Travail ( Bit/Ipec)( il travaille désormais à l'Unicef) nous apprend que l'article 21 de la loi n°2010-272 du 30 Septembre 2010 portant interdiction de traite et des pires formes de travail des enfants "quiconque se livre à la traite d'enfants telle que définie par la loi est puni d'un emprisonnement de dix à vingt ans et d'une amende de 5 millions de Fcfa à 20 millions de Fcfa. Peuvent être poursuivis selon l'article 18 de la même loi, pour traite d'enfants les prétendus père et mère et les représentants légaux qui voyagent avec un enfant sans être capables de prouver leur parenté par un document légal. Il en sera de même pour tout autre adulte qui voyage avec un enfant sans une autorisation expresse dûment authentifiée par les père et mère ou une autorisation judiciaire ou de l'autorité administrative. Et l'article 22 poursuit : « Est puni d'un emprisonnement de vingt ans, quiconque se livre à la traite d'enfants commise dans l'une des circonstances suivantes: la victime est âgée de moins de quatorze ans au moment de la commission des faits; l'acte a été commis par fraude ou violences, par usage de fausse qualité, faux titres, ou des documents falsifiés ou altérés, ou de fausses autorisations ». Voilà qui est clair. Et pourtant….. L’épandage des produits chimique, l’abattage des arbres comme tache quotidiennes des enfants. Les tâches effectuées par les enfants sont une véritable source d’inquiétude. A titre d’exemple, on note que 18,2% participe à l’épandage de produit chimique, 23,9% prenne part à l’abattage des arbres, 40,8% au brûlage des champs, 83,2% au nettoyage des champs, 12% à la fabrication du charbon de bois, etc. La répartition des enfants économiquement occupés par secteur indique l’agriculture (55,5%), les activités domestiques (23%) et le commerce (14%) sont les trois principaux employeurs d’enfants âgés de 5 à 17 ans. Par ailleurs, le travail forcé devient préoccupant lorsqu’ on met en avant la proportion du travail forcé agricole dans le travail forcé. En effet, 22,3% du travail forcé des enfants est dédié au seul secteur agricole et est particulièrement marqué en milieu rural. Dans ce milieu, 17 085 enfants travaillant dans l’agriculture font un travail forcé sur un total de 31 040, soit 55%. L’environnement dans lequel se déroule cette activité (inaccessible au public et loin des yeux indiscrets) pourrait expliquer cette situation. Il est à noter que la majorité des enfants victimes de traite dans l’agriculture sont employés comme des aides familiaux (64,4%) et ensuite seulement comme des employés (35,6%). B. M.
Encadré 2 : Plus de 37 mille enfants touchés par le phénomène Des études indiquent « qu’en Côte d’ivoire, près de 9 000 enfants seraient victimes de traite en Côte d'Ivoire et 37 359 seraient contraints à travailler » Et pourtant en Côte d’Ivoire, la traite des personnes et les pires formes de travail des enfants sont interdites conformément à l'article 21 de la loi n°2010-272 du 30 Septembre 2010. Mais c’est quoi la traite et travail des enfants ? Selon M. Sigui Mokié Hyacinthe, alors Administrateur national de Programme au Bureau international du travail ( Bit/Ipec) , « la traite est le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiement ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation » Aussi, notre expert qui est désormais en fonction à l’Organisation des nations unies pour l’enfance( Unicef) ajoute que « si la traite se fait dans le pays, on parle de traite interne, mais si c'est entre deux pays, on parle de traite transfrontalière. Les victimes de traite seraient amenées par des pisteurs, souvent les employeurs eux- mêmes ou des réseaux de placement ». Malgré les efforts des Organisations non gouvernementale( Ong) et des départements ministériels dédiés à la Femme, l’Enfant et à la protection sociale, depuis les années 2000 marquées par la prise de la loi N° 2010- 272 du 30 septembre 2010, le phénomène persiste. On peut même dire sans se tromper que les pratiques en question ont la peau dure et qu’elles ont de beau jour devant elles. De l’agriculture, en passant par les transports au commerce, pour ne citer que ces trois secteurs, disons qu’ils sont tous minés par le phénomène. Dans l’agriculture où la lutte semble la plus accentuée notamment la filière café et cacao, de gros intérêts sont en jeu( voir encadré2). Les résultats d’une enquête nationale réalisée par l’Institut national de la statistique avec le soutien technique et le financement du Bit, sur la situation de l’emploi et du travail des enfants( Ensete2013) dont le rapport final a été publié en 2014,donnent une idée de l’ampleur de cette exploitation des enfants. Le rapport en question dit très clairement que : « En Côte d’Ivoire, ce sont plus d’un enfant sur quatre (28,2%) âgés de 5 à 17 ans qui sont économiquement occupés. L’activité économique des enfants prend une ampleur considérable avec l’accroissement de l’âge : 20,9% chez les 5-13 ans et 48,1% chez les 14-17 ans. Les mêmes sources ajoutent que près d’un enfant sur cinq (18%) âgés de 5 à 17 ans est « inoccupé », en ce sens qu’il n’est ni scolarisé ni enrôlé dans les activités économiques. Deux secteurs d’activité abritent l’essentiel du travail des enfants : le secteur agricole (53,4%) et le secteur des services (35,6%). 1 424 996 enfants sont concernés par le travail des enfants à abolir, soit sept enfants sur dix économiquement occupés et un enfant sur cinq âgé de 5 à 17 ans. Parmi ces enfants astreints à un travail à abolir, 64,3% le sont dans le cadre familial, en qualité d’aides familiaux. Et dans quatre cas sur dix, le travail à abolir est effectivement dangereux. En effet, sur les 1.424.996 enfants âgés de 5 à 17 ans qui sont astreints à un travail à abolir, 539.177 sont impliqués dans un travail dangereux, soit 37,8%. La Côte d’ivoire dont le succès continue de reposer essentiellement sur l’agriculture, près 57ans après son accession à l’indépendance, il nous revient que la situation reste préoccupante en terme de travail des enfants à abolir. Il convient de noter également que près de 50% du travail dangereux reste imputable à l’agriculture. Par ailleurs, le travail dangereux affecte 27,5% du travail à abolir des enfants dans l’agriculture notamment dans la cacaoculture qui fait vivre en Côte d’Ivoire, plus de 7.000.000 de personnes , « sur les 1 622 140 enfants astreints à un travail à abolir, 912 642 sont dans l’agriculture, soit 56,3%. Lorsque les enfants sont occupés dans les activités agricoles, dans la majorité des cas ils le sont dans un travail à abolir. En effet, 74,2% des enfants travailleurs dans l’agriculture sont dans un travail interdit. En majorité, l’occupation économique des enfants dans l’agriculture est occasionnelle. Si l’on agrège ceux qui font un travail occasionnel et ceux qui sont dans des emplois saisonnier et temporaire, cela fait 66% qui ne sont pas dans un emploi permanent » ajoute la source indiqué plus haut. Ce qui a amené les auteurs dudit rapport à conclure que « le travail des enfants dans l’agriculture affecte négativement leur scolarité, particulièrement pour les filles plus âgées. En effet, 65% des enfants âgés de 5 à 13 ans sont scolarisés contre 34% pour ceux âgés de 14 à 17 ans. La désagrégation des enfants effectuant un travail à abolir agricole selon la nature de l’activité indique que ceux –ci pratiquent la culture de céréales (57,5%); 17% étant impliqués dans la culture de cacao » B. Mafoumgbé
Dossier/ Traite des enfants dans l’agriculture… en Ci // 37 mille enfants touchés par le phénomène en Côte d’Ivoire
Publié le 23 janvier 2019
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