A la faveur d’un atelier d’échanges et de renforcement des capacités portant sur la législation de la commercialisation de l’anacarde qui vient de prendre fin à Yamoussoukro, le Docteur Adama Coulibaly , Directeur général du Conseil du Coton et de l’anacarde, situe les enjeux du renforcement des textes. Non sans dénoncer l’impact négatif de la fraude sur la filière.
Monsieur le Directeur général, pourquoi un atelier sur la législation de la commercialisation de l’anacarde ?Nous sommes venus effectivement à Yamoussoukro pour un atelier d’échange et de renforcement de capacité sur la législation de la commercialisation de l’anacarde. Ce avec le dispositif judiciaire de notre pays et tous ceux qui exercent sur le terrain. Surtout ceux d’Abidjan – Plateau et de Yopougon qui connaissent très souvent des litiges de ce genre. Ca été un atelier nécessaire en ce sens que la reforme a eu lieu en 2013. Cinq ans après la mise en œuvre de la réforme, il était bon de revisiter les textes, la loi, les décrets d’application( …) de sorte à regarder s’il y a des solutions de continuité dans les textes. A l’effet de combler les vides et gérer la commercialisation pour les années à avenir dans d’excellentes conditions. En d’autres termes, il s’agissait de faire le bilan de la mise en œuvre de la reforme au plan des textes juridiques et de voir si ces textes sont complets, satisfaisants. Pour in fine faire des propositions nouvelles. Il s’agit à la foi d’instruire les magistrats qui n’ont pas parfois la chance ou l’inconvénient d’avoir des affectations où on ne produit pas cette spéculation. Pendant que d’autres qui n’ont pas été formés viennent dans les régions où l’on produit l’anacarde. L’un dans l’autre, il s’agit de porter à la connaissance des certains magistrats, les textes qui portent sur la commercialisation de l’anacarde et du coton
Concrètement sur le terrain quels sont les obstacles sur lesquels bute l’application des textes qui sont pour l’instant en vigueur ?
Il n’y a pas d’obstacle. Mais aucune œuvre humaine n’étant parfaite, après cinq ans après de mise en œuvre, il était bon de revisiter les textes. Mais aussi et surtout permettre aux magistrats d’avoir tout l’arsenal juridique, pour pouvoir bien exercer sur le terrain. Ce dans l’intérêt de la filière. Comme nous l’avons tantôt indiqué, la magistrature représente la colonne vertébrale de l’Etat. Ce dernier étant lui la colonne vertébrale de la Nation. Pour que les investisseurs soient rassurés, il convient que l’Etat de droit s’exprime. Ce qui se fait à travers la justice. C’est pourquoi nous sommes occupés à bâtir des filières coton et anacarde durables, solides, conquérantes qui attirent les investisseurs du monde entier. C’est pourquoi nous insistons sur la qualité des jugements qui sont rendus au niveau des filières. Y a-t-il eu des sanctions durant cette campagne qui est en train de prendre fin ?
Nous ne pouvons pas donner un nombre précis de sanctions prononcées. Parce que certaines affaires se dénouent et ne vont pas forcement devant les tribunaux. Nous sommes les premiers niveaux d’arbitrage.
Les comités de veille qui sont présidés par les préfets sont également des niveaux de gestion de certains conflits. Heureusement beaucoup de conflits s’éteignent au niveau du Conseil coton et anacarde et des comités de veilles. Tel est donc l’esprit de la filière. Il faut régler ce qu’on peut régler à l’amiable. C’est quand on échoue à cette étape, qu’on peut aller devant les tribunaux. C’est comme ça que ça marche et c’est tant mieux pour la filière.
Un point sur la campagne de commercialisation de l’anacarde qui est en train de finir ?
Pour la noix de cajou, nous sommes à 742 mille tonnes de produits achetées bord champs contre 630 mille tonnes exportées à la date du 17 décembre 2018. Quant au taux de transformation locale, nous ne sommes pas loin des 10%. Nous progressons et pensons que d’ici deux ans, vous verrez notre taux de progression. Nous voulons ici profiter de l’occasion pour remercier l’appareil judiciaire pour sa contribution au renforcement de capacité de nos collaborateurs. ( …) qui ne baissent pas les bras sur le terrain face à la fuite de l’ anacarde dans des zones de production. Dans la Région du Gontougo, cette année, nous sommes à 47 mille tonnes produites dans cette région. Si nous remontons deux ans en arrière, le Gontougo en 2016 avait produit 83 mille tonnes. Si nous voulons aller plus loin en arrière, nous étions à 126 mille tonnes d’anacarde. A ce jour nous sommes à 47 mille tonnes. Les planteurs tout comme leurs plantations sont là et nous n’avons pas enregistré une catastrophe particulière dans cette région. Des feux de brousse ou une baisse de pluviométrie par exemple.
Mais pourquoi la production baisse d’année en année ?
A notre avis, nous pensons que cela est dû au trafic illicite des noix vers des pays frontaliers. Si nous prenons la région voisine, l’Indénié- Djuablin, en 2017, nous étions à 8510 tonnes. Cette année, nous sommes à 2170 tonnes. Dans le département de Ouangolo, en 2015, nous étions à 3300 tonnes 2016, nous sommes tombés à 2130 tonnes. En 2017, nous tombés à 2400 tonnes. Ce sont des chiffres qui nous interpellent nous, en tant que responsables de la gestion de la filière.
Face à un tel tableau qu’est-ce qu’il faut faire ?
Nous sommes conscients que lorsque le Ghana dit que mon produit ne peut pas sortir par la voie terrestre ou dit en d’autres termes qu’elle interdit le trafic de son produit par la voie terrestre, nous ne voyons pas qui peut le contredire. Il ne viendra jamais à l’idée d’un ivoirien, de prendre un camion d’aller collecter des noix de cajou au Ghana et ressortir tranquillement. Il en est de même pour le Burkina Faso. Quand il dit que tel produit ne peut pas sortir, nous ne voyons quel ivoirien peut rentrer dans les villages de ce pays avec un camion immatriculé en Côte d’Ivoire, pour aller acheter des noix et retourner tranquillement en Côte d’Ivoire. Tout ça parce que dans notre pays nous sommes préoccupé à construire un Etat de droit. Mais en même temps, nous devons chercher l’équilibre entre nos intérêts et l’Etat de Droit. Cela est extrêmement important pour les investisseurs.il ne faudrait pas que notre arsenal juridique devienne un handicap au point que les gens viennent nous narguer sur notre propre territoire. Pour le moment, nous avons l’impression que les trafiquants nous narguent. Aucun ghanéen ne peut entrer en Côte d’Ivoire tout seul, acheter des noix de cajou et repartir. Pour y arriver les gens jouent sur les failles de notre dispositif, en se disant très bien que si on me prend, je vais aller passer quelques jours en prison et après, on va me libérer. Nous en tant que techniciens, nous avons le devoir de corriger les failles qui existent dans notre dispositif juridique. Pour lutter contre la fraude, nous prenons parfois des dispositions qui ne sont pas normales aux yeux des acteurs de l’appareil judiciaire. Quand on perd 50 mille tonnes, ça fait mal.
Pouvez-vous nous présenter le poids réel des pays producteurs de la Sous – région ?
c’est la moitié de la production du Benin,( environ 120 mille tonnes officiellement). C’est le deuxième produit d’exportation de pays. Le Togo est 12 mille tonnes pendant que le Ghana est officiellement à 85 mille tonnes. Mais quand on va regarder dans les statistiques d’exportation que nous allons capter dans les ports d’arrivée. Le Ghana refuse de nous donner les statistiques. Nous sommes allés au Port de Tema où s’exporte la noix de cajou. Nous avons parlé avec le Dg dudit port pour nous donner les chiffres. Il nous a bien reçu mais quand nous avons demandé les statistiques d’exportation, il les a promis et jusque –là rien depuis deux ans. Nous sommes obligés d’aller chercher ces chiffres dans les ports d’arrivée au Vietnam et en Inde. Le trafic illicite transfrontalier à plusieurs conséquences. L’une des conséquences pour une région comme le Gontougo, est en train de devenir du point de vue de la noix de cajou, une zone désertique. Les investisseurs qui étaient motivés d’y construire des usines, sont en train de refuser de s’y implanter. Parce qu’ils n’arrivent à avoir de la Matière première. C’est mauvais la région et la création d’emplois pour les jeunes. La deuxième conséquence, la fuite de nos produits vers les pays limitrophes faussent les statistiques internationales. Aujourd’hui le Ghana peut se targuer de produire plus de 150 mille tonnes alors qu’en réalité il ne produit que 75 mille tonnes. Au plan international, lorsque nous allons aux conférences internationales, ce pays considéré comme un grand pays producteur de noix de cajou. En termes de mobilisation des financements, le Ghana mobilise des ressources pour sa filière cajou alors qu’il n’a même pas un organe de régulation et de gestion de la filière. C’est un marché libre et ce produit est marginal dans l’économie ghanéenne. Il est reconnu que l’anacarde produit dans le Gontougo est de très bonne qualité et il se trouve que ce sont ces noix de très bonne qualité qui vont par la fraude au Ghana.
Quels sont alors les avantages pour le Ghana ?
Un double avantage. Le Ghana du fait de ces noix de très bonne qualité est très bien rémunéré sur le marché international, grâce à notre production et nous passons pour un pays producteur de cajou de moindre qualité par rapport au Ghana. Là où ce dernier peut gagner 50dollars ( 25000Fcfa) en plus sur chaque tonne, nous ne percevons rien. La dernière conséquence, c’est le manque à gagner pour l’économie nationale ( Voir encadré) le travail que nos magistrats viennent d’accomplir est très capital pour nos filières. Parce que cela va renforcer l’arsenal juridique. Nous serons amenés à poser des actes forts si davantage d’ici là, s’il y a des failles dans notre arsenal juridique que voudraient exploiter les trafiquants. ( …) nous voulons travailler le plus possible dans la légalité en laissant moins de marge aux situations qui ne sont pas gérer par les textes.
Interview réalisée à Yamoussoukro par Bamba Mafoumgbé , Cette adresse courriel est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Légende photo : Docteur Adama Coulibaly, Directeur général du Conseil du Coton et de l’anacarde : « Le Ghana du fait de nos noix de très bonne qualité, est très bien rémunéré sur le marché international »